Dream Build | Specialized Epic Evo S-Works : l’heure du bilan
Par Olivier Béart -
Vous avez été plus de 2000 à nous livrer votre vision de ce que serait le « down-country » de vos rêves, sur base d’un magnifique cadre Specialized Epic Evo S-Works. Il est maintenant temps de vous dévoiler notre version de ce montage, qui suit largement mais pas entièrement les grandes tendances dégagées lors de notre enquête. Et surtout, de vous expliquer les raisons de nos choix et de les confronter à la réalité du terrain après un peu plus d’un mois d’essai. En selle pour un article en forme de triptyque avec le montage de la bête, les premiers tours de roues au Roc en compagnie d’un des premiers Specialized Stumpjumper produits il y a 40 ans, et enfin le test complet sur nos terrains de jeu habituels !
Oups, on démarre directement cet article avec un gros spoiler, en vous dévoilant le résultat final du montage « Dream Build » sur base du cadre Specialized Epic Evo S-Works dans sa version 2021. Mais plus que le résultat lui-même, c’est le cheminement pour y arriver qui est intéressant et surtout l’essai terrain pour voir si tous les choix posés sont pertinents… ou non.
Nous allons commencer cet article en trois parties par vous dévoiler les résultats de notre sondage et les tendances qui se sont dégagées sur base des 2000 réponses obtenues, et les choix que nous avons posés sur cette base. Ensuite, petit moment de détente et d’originalité, avec l’inauguration de ce Dream Build en compagnie de Julien Rebuffet de Génération Mountainbike qui est l’heureux propriétaire d’un des très rares premiers Specialized Stumpjumper. Ensemble, nous avons roulé le Roc d’Azur et confronté ces deux vélos séparés par tout juste… 40 ans ! Enfin, de retour sur nos terrains de jeu habituels, nous avons poursuivi l’essai de notre Epic Evo de manière plus rigoureuse afin de confronter ce montage de rêve à la réalité de la pratique.
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Résultats du sondage, choix et montage du Dream Build
Mais pour monter ce 120mm léger et polyvalent dans le monde réel, il fallait également être réaliste en tenant compte des disponibilités du matériel dans le contexte actuel et de certains choix que nous avons souhaité poser en notre âme et conscience. Vous verrez donc que le montage final n’est pas 100% conforme aux résultats du sondage, ce que nous avions annoncé dès le départ, mais nous en avons suivi les grandes lignes. Voici le détail expliqué et argumenté.
Transmission : Sram en tête, et le sans-fil plébiscité !
Le premier grand choix que nous vous avons demandé de poser, c’est au niveau de la transmission avec l’éternel grand duel entre Shimano et Sram. Dans ce créneau, c’est Sram qui s’est imposé avec une belle longueur d’avance et plus de 56,3% des choix contre 41,7% pour Shimano. Quant aux alternatives, elles sont rares et vous n’êtes que 2% à avoir évoqué d’autres pistes, comme Rotor avec son 13 vitesses ou encore TRP et e13.
Vient ensuite le choix du groupe. Et là, vous avez clairement opté pour le tout haut de gamme Sram XX1 Eagle, clairement synonyme pour vous de rêve et indispensable sur un tel montage face aux petits frères XO1 et GX Eagle. C’est assez logique et attendu, mais ce qui est intéressant, c’est de voir que c’est le choix de près de 84% des répondants.
Nous étions impatients de savoir si la transmission électronique sans fil AXS de Sram était réellement populaire ou si cette évolution faisait encore peur à beaucoup d’entre-vous face au bon vieux câble en acier des transmissions mécaniques. Et là aussi le résultat est sans appel : parmi ceux qui ont choisi Sram comme transmission, vous êtes plus de 82% à avoir choisi l’électronique sans fil ! Quand le prix n’entre pas en ligne de compte, ce résultat montre clairement que cette nouvelle technologie est en réalité bien plus acceptée que certains commentaires pourraient laisser penser.
Face à ces évidences, nous avons donc pris contact avec Sram pour suivre vos recommandations à la lettre et monter notre Specialized Epic Evo en XX1 Eagle AXS, avec cassette 10/52 et plateau de 32 dents comme vous l’avez également souhaité. Et cela nous semble très cohérent dans le but d’avoir une transmission en rapport avec la polyvalence souhaitée pour l’engin. Le tout dans une finition « oil slick » qui, selon nous, s’accorde parfaitement avec le cadre.
Sur cette base, nous avons tout de même voulu rajouter un petit « tweak », une petite surprise, en optant non pas pour la commande VTT classique, mais pour des « blipers » destinés à la base aux vélos de chrono et de triathlon. C’est un des avantages de l’écosystème Sram AXS : les composants route/gravel/VTT parlent tous le même langage et sont donc tout à fait mélangeables si on le souhaite. Bonne idée ? Mauvaise idée ? Nous verrons plus loin dans cet article ce qu’il en est sur le terrain. Mais ces petits boutons ont en tout cas le mérite d’être très discrets et de permettre un changement des rapports selon une logique différente puisqu’on appuie d’un côté pour monter et de l’autre pour descendre les vitesses (le sens est customisable via l’application smartphone Sram AXS).
Petit désavantage : on n’est plus vraiment sur du sans-fil, puisque ces petits boutons ne disposent pas d’alimentation propre (ils sont trop petits pour cela). Il sont donc reliés par de petits fils à une unité centrale, la « Blip Box », qui a ici trouvé place à l’intérieur du cadre, calée dans le tube supérieur avec un morceau de mousse. C’est ce « cerveau » qui envoie ensuite les ordres, sans fil, vers le dérailleur et les éventuels autres composants AXS comme la tige de selle télescopique par exemple. Quant aux fils qui relient les commandes à la box cachée dans le cadre, ils sont très fins et souples, de sorte qu’il est possible de les cacher discrètement sous le cintre avant qu’ils rentrent dans le cadre.
Fourche : la Fox 34 SC en tête, mais…
Si la confrontation Fox/RockShox a longtemps été très serrée dans notre sondage, c’est finalement la Fox F34 SC qui a fini par se détacher avec 47% des voix. Néanmoins, par souci de cohérence avec l’amortisseur arrière RockShox et avec le reste du montage, mais aussi car nous avions déjà la fourche à disposition, nous avons retenu la RockShox SID Ultimate 120 pour notre montage. Elle a tout de même recueilli 39% des suffrages. Dans tous les cas, difficile de se tromper avec ces deux fourches stars du marché et dont le fonctionnement est dans les deux cas excellent.
Comme pour les transmissions, les outsiders ont du mal à se faire une place, avec tout de même DT Swiss qui parvient à recueillir 6,2% des voix avec sa nouvelle F232 One. Suntour ne perce par contre pas avec la pourtant très bonne Axon 34 (3,5% des voix), ce qui est le signe que la marque n’a pas réellement d’image haut de gamme. Parmi les autres suggestions, on notera qu’il y a toujours quelques afficionados de la fameuse Headshock Lefty, ici proposée à quelques reprises dans sa dernière version « Ocho ».
Dernier point au niveau des suspensions : faut-il un blocage au guidon sur ce genre de machine ? Et là, la réponse est « oui » pour 61,3% d’entre vous ! D’origine, le cadre Specialized Epic Evo n’en est pas pourvu pour l’amortisseur et la fourche SID dont nous disposions déjà non plus, mais nous envisagerons le montage d’un blocage par la suite. La réponse à cette question est en tout cas un indicateur que, malgré un débattement plus généreux et un souhait de plus de polyvalence, un blocage comme sur un bike de XC compétitif reste souhaitable sur un vélo plus type « down country ».
Tige de selle télescopique : un must, et sans fil svp !
Voilà LA question sur laquelle les réponses ont été les plus unanimes : pour 92,6% d’entre vous, la tige de selle télescopique est un must sur ce genre de machine. Seuls 7,4% d’entre vous évoquent « plus de simplicité et moins de poids » et « pas de soucis de fiabilité » pour expliquer leur refus de cet accessoire, mais il est clair que ceux qui y ont déjà goûté (et qui sont de plus en plus nombreux) ne reviendraient pas en arrière.
Au-delà de la question du principe avec ou sans dropper post, reste à savoir quel modèle. Et là, c’est la RockShox Reverb AXS qui se détache avec près de 40% des suffrages, loin devant la nouvelle et très légère Fox Transfer SL. Visiblement, le surpoids et le surcoût ne sont pas des freins pour la Reverb AXS qui séduit par son principe sans fil et sa simplicité d’utilisation. La RockShox Reverb hydraulique arrive en 3e position avec 8,3%, ex-aequo avec l’excellente mais plus rare Bike Yoke Divine SL, qui devance sa grande sœur Bike Yoke Revive, plus lourde mais qui propose plus de débattement.
A propos de débattement, c’est le 125mm qui vous semble le meilleur compromis pour ce type de vélo, avec 45% des votes. 150mm de débattement vous semble aussi un bon choix (23,7%) devant le 100mm (21,7%). Bien sûr, la taille du pilote joue aussi et il faut songer à une certaine proportionnalité du débattement (100mm pourront suffire pour un pilote de petite taille, quand il faudra 150mm pour qu’un grand obtienne les mêmes sensations). De notre côté, nous avons fait le choix du 150mm pour un pilote de taille « standard » (178cm) car nous aimons avoir beaucoup d’amplitude de mouvement une fois la selle baissée.
A ce niveau, nous avons suivi votre choix de la RockShox Reverb AXS dont nous apprécions beaucoup la rapidité d’action et le fonctionnement global, sans oublier sa facilité d’installation qui peut faire gagner énormément de temps à l’atelier. Dans l’esprit d’originalité que nous avons déjà appliqué pour les changements de vitesses, nous avons voulu essayer un autre modèle de petit « blip » Sram, intégré dans le grip à gauche, à la manière de ce que font Nino Schurter et d’autres pilotes en coupe du monde. Bon, on a un peu raté la découpe du grip… et nous ne l’avons pas refait car, comme vous le verrez plus loin, nous n’avons pas vraiment validé cette solution de commande à l’essai.
Freins : une offre large et des choix variés
Si l’utilisateur n’a pas énormément de choix en matière de transmission, il en va autrement pour les freins, où de nombreux acteurs sont présents. C’est néanmoins un géant qui arrive en tête, avec Shimano qui recueille 38,6% des votes. Juste derrière, Magura arrive deuxième avec 21,2% devant les (gros) artisans de chez Hope dont la fiabilité des produits séduit visiblement toujours. Un autre petit fabricant de produits pointus arrive en 4e position, avec Trickstuff (10,3%).
Et Sram ? Pour les freins, ils n’arrivent que péniblement en 5e position avec seulement 7,9% des suffrages. Une claque qui vient sanctionner un manque de puissance de certains modèles et des soucis de fiabilité à répétition qui laissent des traces, même si la situation s’est fortement améliorée avec le temps et une série de petites améliorations qui ont eu un effet bénéfique que nous avons pu constater lors de nos derniers essais. Alors pourquoi les avons-nous tout de même retenus sur notre montage final ? En toute transparence, c’est tout simplement par facilité car Sram nous a proposé de les fournir immédiatement en plus de la transmission et de la Reverb AXS qui avaient, elles, remporté le plus de suffrages. Nous verrons sur le terrain si nous regrettons ce choix ou si, finalement, cela se passe tout de même bien. N’empêche, le résultat de notre sondage doit sonner comme un sérieux avertissement pour Sram qui serait bien inspiré de renouveler sa gamme pour tourner la page.
Dernier point intéressant au niveau du freinage, vous avez été près de 45% à nous suggérer de mixer un étrier 4 pistons à l’avant avec du 2 pistons à l’arrière. Mettre un disque plus grand à l’avant (185mm) et plus petit derrière (160mm) est une pratique courante, mais le mélange des étriers l’est moins. Nous avons ici choisi de vous suivre et d’essayer le montage d’un étrier Sram G2 4 pistons à l’avant, tout en conservant le levier Level qui est tout à fait compatible. La différence de poids est négligeable (de l’ordre de 20g) et nous verrons ce qu’il en est sur le terrain !
Train roulant : des jantes carbone et des gros pneus
Quand on parle de rêve et de haut de gamme, le carbone est clairement dans tous les esprits. Plus de 85% des répondants feraient ce choix contre un peu moins de 15% pour l’alu. Hormis le prix, difficile aujourd’hui en effet de trouver des défauts au carbone, même en ce qui concerne le côté tolérant qui est bien présent désormais aussi sur de nombreuses jantes carbone. L’alu souple et le carbone ultra rigide, c’est plus un cliché qu’une réalité.
Au niveau des marques, Roval, marque de roues de Specialized, arrive en tête ! Ce résultat est probablement en partie influencé par le fait que nous avons retenu un cadre de la marque comme base de montage. Mais tout de même, cela montre que Specialized n’est pas connu que pour ses vélos et parvient aussi à se faire une place importante sur le marché avec ses composants et accessoires. DT Swiss arrive en 2e position sans trop de surprise car la marque est très présente en ce moment, mais elle ne devance que d’un cheveu les français de chez Duke qui recueillent près d’un quart des suffrages ! Une belle reconnaissance pour ce monteur de roues et concepteur de jantes, choisi par de nombreux champions. Autre monteur français, Asterion arrive à une belle 4e place, loin devant Mavic qui devra beaucoup travailler pour se refaire une place dans le cœur des vététistes.
Au niveau des pneus, Specialized arrive aussi en tête. Même explication que pour Roval : le choix d’une base d’Epic Evo pour notre montage a sans doute gonflé les votes, mais il s’agit aussi d’une belle reconnaissance pour des gommes de qualité qui séduisent bien au-delà des propriétaires de vélos Specialized. Les pneus de la marque ne sont d’ailleurs plus siglés « Specialized » mais simplement et discrètement du nom du modèle. Le géant Maxxis arrive deuxième devant Schwalbe et Hutchinson. Et, côté section, le 2.3″ recueille plus de 50% des suffrages !
A ce chapitre, nous vous avons encore une fois suivi, en optant pour les nouvelles roues Roval Control, tout en restant « raisonnables » et en n’optant pas pour la version SL. Moins chère, cette version à 1300€ propose le principal, à savoir les nouvelles jantes de 30mm de large équipées d’un « rebord » au niveau des flancs pour augmenter la solidité et diminuer le risque de crevaison par pincement. Côté pneus, nous avons opté pour un mix entre le Specialized Renegade très roulant à l’arrière et le nouveau Fast Track plus cramponné à l’avant ; les deux en 2.3 de section, mais avec une gomme T7 plus tendre à l’avant pour favoriser l’accroche alors que l’arrière est en T5 plus dure pour prioriser le rendement.
Cockpit : et si on essayait l’originalité ?
Enfin, on termine par le poste de pilotage. Si Race Face n’est pas du tout dans vos radars au niveau des roues (seulement 0,3% des votes) alors qu’elles font aussi partie de leur offre et qu’on en retrouve souvent en OEM (équipement de première monte), la marque canadienne désormais propriété de Fox figure en tête de vos choix pour un cockpit de rêve (22,5%). Syncros et Ritchey recueillent aussi pas mal de suffrages (autour de 15%) tout comme les allemands de Tune, spécialistes des composants légers. Mais la deuxième place des suffrages, avec 18,6% des votes, est occupée par la case « autres », signe que vous êtes demandeurs d’originalité à ce niveau.
Nous avons donc fait un choix très exclusif, original et visuellement impactant en optant pour les produits de l’artisan espagnol Gemini et son ensemble cintre-potence Propus ultra léger, qui ne pèse que… 160g ! Rendez-vous sur le terrain pour voir si ce choix extrême et exotique est raisonnable ou pas !
Justement, avant d’aller salir le vélo dans la poussière et la boue, on vous laisse apprécier cette petite vidéo du montage de la bête sur le stand Sram au Roc d’Azur, avec Carsten, mécanicien emblématique et très expérimenté du camion d’assistance présent sur les événements. Certains d’entre-vous ont d’ailleurs déjà eu l’occasion d’admirer le vélo sur le stand Sram, où il a été exposé lors du Roc.
Et maintenant, place à l’inauguration de la machine sur le parcours du Roc d’Azur, en compagnie de son ancêtre, le Specialized Stumpjumper de 1981 >>>
Epic Evo 2021 VS Stumpjumper 1981, inauguration sur le Roc d’Azur
Une fois le vélo monté, en vrais passionnés, nous étions comme des gamins, impatients d’essayer ce tout premier vélo Dream Build de Vojo ! Et, peu avant le Roc, une proposition originale et intéressante est arrivée par l’intermédiaire de Julien Rebuffet, bien connu pour son action au sein de la Mountain Bikers Foundation, mais qui est aussi un passionné de VTT vintage et un des membres actifs de l’assos Génération Mountainbike qui réunit des collectionneurs et des passionnés de l’histoire de notre sport.
Il se trouve que Julien détient dans sa collection une pièce majeure : un des 500 premiers Specialized produits, datant de 1981 ! Au-delà du fait qu’il s’agit d’un des tout premiers vélos au grand « S », et qu’il y en a ensuite eu des millions d’autres car la marque est devenue un des plus gros acteurs mondiaux du vélo haut de gamme, le Stumpjumper est aussi considéré comme le tout premier vélo de série au monde.
Il était donc intéressant et amusant, 40 ans plus tard, de le confronter à l’une des toutes dernières productions de Specialized et de rouler ensemble le Roc d’Azur sur ces deux machines extrêmes chacune dans leur genre.
D’un côté, de l’acier, pas de suspensions, des freins à patin assez rudimentaires (il n’existait pas encore vraiment de composants spécifiques pour le VTT à l’époque), et de l’autre un tout suspendu en carbone avec des freins à disque. « Par contre, j’ai plus de vitesses que toi », me fait malicieusement remarquer Julien. Eh oui, 3 plateaux et 6 pignons, cela fait bien 18 vitesses sur le papier, quand je n’en ai que 12 avec mon mono-plateau et mon énorme cassette. Mais moi, j’ai de l’électronique sans fil, na !
Julien a tout de même fait une entorse au « tout d’époque » : les pneus. En effet, cela n’a pas de sens et c’est même dangereux de rouler avec des gommes de 40 ans, fragiles et complètement sèches. Même équipé de pneus récents (à flancs beige tout de même pour rester dans le look d’époque), crever demeure la plus grande peur de Julien qui reste équipé de chambres à air. Finalement, cette crainte va s’avérer infondée mais notre homme parle d’expérience et on se souvient tous qu’on crevait beaucoup, beaucoup plus avant que le tubeless débarque dans le VTT au début des années 2000.
Par contre, notre homme a poussé le vice jusqu’à s’équiper d’époque pour le casque, la grosse banane Chouinard (ancêtre de Patagonia) et les chaussures Five Ten !
Tout au long du parcours, Julien et son Stumpjumper de 1981 attirent énormément de sympathie et d’encouragements. Et l’ancêtre vole complètement la vedette à notre Dream Build qui passerait presque inaperçu à côté ! Il faut dire qu’en plus, Julien, qui est par ailleurs moniteur VTT, a un fameux coup de guidon et une certaine habitude de rouler avec des vélos anciens. En côte, j’arrive à le suivre et même parfois à le distancer légèrement quand c’est très technique, mais notre ami n’est jamais bien loin.
Dans la fameuse descente du Fournel, l’applaudimètre s’emballe à nouveau ! Julien et son Stump’ de 40 balais se paient non seulement le luxe de tout faire avec style sans mettre pied à terre, mais en plus de dépasser plusieurs autres concurrents.
Clairement, tout est plus facile, plus relax pour moi et je peux me permettre des lignes encore un peu plus engagées au guidon de l’Epic Evo, mais Julien n’a pas choisi la ligne la plus soft non plus.
Quel est le secret ? Est-ce vraiment Julien qui est un extraterrestre ou bien le vélo est-il encore dans le coup malgré ses 40 balais ? Pour en avoir le cœur net, rien de tel qu’un petit échange des montures ! Et là, une surprise de taille m’attend au niveau de la géométrie : j’ai l’impression d’avoir des points d’appui très similaires à ceux de l’Epic Evo. Bien sûr, c’est obtenu autrement, avec de petites roues, une grande douille de direction et un cintre très relevé, presque comme sur un BMX, pour le Stumpjumper, mais la géométrie me semble vraiment d’actualité et me donne beaucoup de confiance.
Au final, je me dis que c’est dans les années 90 et jusque début 2000 qu’on est complètement parti en vrille, avec des vélos de XC hyper raides et des géométries extrêmement « nez dans le guidon », tout cela parce que ça donnait une illusion de performance. Alors que les vélos pionniers comme ce Stumpjumper premier du nom, mettaient le fun et le plaisir de pilotage en tête de leurs priorités.
Bon, le freinage est limite et on parlera plus de ralentisseurs que de vrais freins, et les pédales offrent une accroche très réduite pour mes chaussures pourvues de cales pour pédales automatiques (dont on ne parlait pas encore à cette époque-là), mais même dans les portions raides où plein d’autres gars passaient à pied, je me suis senti en confiance, avec un vélo qui ne me donnait pas du tout l’impression de vouloir m’éjecter à chaque cassure ou portion plus raide.
Dans le défoncé, pas de miracle non plus et il est impossible d’aller aussi vite qu’avec un vélo actuel, mais le cadre acier montre tout de même une très belle capacité d’absorption des vibrations et il permet tout de même d’arsouiller un peu. J’ai par contre eu beaucoup plus de mal avec la transmission et les manettes non indexées qui imposent des mouvements très précis peu compatibles avec le pilotage d’un VTT dans des zones cassantes…
De retour sur l’Epic Evo, c’est d’ailleurs la douceur et la précision de la transmission Sram AXS que j’apprécie le plus. La familiarisation avec les originales commandes de type triathlon se fait aussi très facilement et naturellement. Je n’en dirai pas autant de la commande de la tige de selle télescopique, dont l’activation ne m’a pas du tout semblé naturelle et qui m’a donné pas mal de fil à retordre sur ce premier ride. Une question d’habitude ? Nous verrons dans la troisième partie de cet article avec le test plus longue durée.
Pour le reste, l’Epic Evo est une machine assez bluffante de facilité. La prise en main est immédiate et les réglages de suspension très simples. Sans le blocage automatique Brain sur les suspensions, on a l’impression qu’il manque un petit quelque chose à cet Epic, mais force est de constater que son rendement est excellent et qu’on n’a pas l’impression de perdre d’énergie. Avec un poids de 9,8kg pédales comprises, notre Dream Build est une petite fusée en côte et un monstre de facilité qui compense bien ma forme physique très limite du moment. Sur le sol rocailleux du Roc d’Azur, les gros pneus et les jantes de 30mm font aussi merveille tant en terme d’accroche dans les montées raides (où je n’ai pas dû mettre une seule fois pied à terre) que dans les descentes cassantes où on peut lâcher les freins sans arrière-pensée et sans craindre la crevaison à chaque rocher.
Du côté du Stumpjumper, le vénérable ancêtre a très bien tenu le coup ! Aucun souci technique à déplorer, pas même une crevaison ! Et pourtant, le pilote n’a pas ménagé sa monture et a même donné quelques leçons de pilotages à d’autres bikers pourtant équipés de machines plus récentes. Comme quoi, peu importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse… et le moins qu’on puisse dire c’est qu’au guidon de ces deux machines, nous avons tous deux éprouvé des sensations différentes mais intenses.
Notre petite aventure touche déjà à sa fin, et si nous devons laisser avec regret Julien repartir avec son Stumpjumper très surprenant pour son âge, nous n’allons pas nous plaindre car nous allons pouvoir repartir avec l’Epic Evo et poursuivre le test sur nos terrains de jeux habituels, dans les conditions souvent difficiles que nous réserve l’hiver belge.
Rendez-vous à la page suivante pour découvrir nos conclusions après un essai plus poussé >>>
Specialized Epic Evo Dream Build : test terrain et conclusions
De retour à la maison, c’est le moment de poursuivre le test et de jeter un œil critique sur les choix que nous avons posés. Ou, pour le dire autrement, de confronter le rêve à la réalité.
A propos de réalité, même si on avait dit qu’on ne parlait pas de budget dans le cadre de ce genre de montage, nous avons tout de même sorti la calculette. Il est toujours difficile de calculer un prix précis en se basant sur des tarifs « officiels » car ceux-ci ont tendance à beaucoup varier en ce moment, et à ne pas non plus refléter les tarifs qu’il est possible d’obtenir réellement en cherchant un peu. Mais tout de même, il est intéressant de constater que même si le kit cadre de l’Epic Evo S-Works est très, très cher (4500€ en 2021), nous arrivons à un total qui tournerait entre 11000€ et 12000€ pour notre montage, soit assez nettement moins que les 13500€ demandés pour la version « de série ». Si, dans le milieu de gamme, il est quasiment impossible de faire des économies avec un montage à la carte, il semble que quand on parle de montages de rêve comme ici, il soit possible de combiner personnalisation et tarif plus intéressant.
A la maison, nous en avons aussi profité pour peser le vélo. Verdict de la balance : 9,815kg avec porte-bidon et pédales. Pas mal pour un 120mm avec de gros pneus ! Il faut dire que la base est excellente, avec un cadre que nous avons pesé à seulement 1750g, ce qui en fait un des plus légers du marché.
Ce poids plume est d’ailleurs un des points qui se ressentent le plus sur le terrain. Nous avons la chance d’avoir essayé pas mal de vélos légers et haut de gamme, mais cet Epic Evo S-Works dégage une impression de légèreté assez impressionnante. Cela se ressent surtout dans les longues ascensions, où on tient très facilement un train élevé sans ressentir la moindre pénalité.
Dans ce cas, l’absence de blocage au guidon n’est pas vraiment un souci, si on adopte un pilotage « marathon » avec un rythme élevé mais assez stable, linéaire. Si vos sorties sont plus nerveuses et pleines de changements de rythme, le montage de blocages au guidon pour les suspensions s’avèrera certainement un bon choix… et on pourra même songer à s’orienter vers la version purement XC en 100mm équipée du fameux système Brain.
Pour rester dans les suspensions, en descente, la SID est absolument parfaite. Par rapport à la Fox 34 SC, elle aussi extrêmement performante, elle joue peut-être un poil moins dans le registre de l’onctuosité et elle se montre un poil plus ferme, mais nous aimons beaucoup le fait qu’elle reste toujours haut dans le débattement. Côté rigidité, aucune fausse note, elle assure aussi parfaitement, ce qui permet d’aller très, très vite avec une grande précision dans les trajectoires.
A l’arrière, l’amortisseur SID est moins convaincant. Il nous semble meilleur que sur le premier Epic Evo que nous avons testé au moment du lancement, mais il y donne toujours l’impression d’un petit retard sur les impacts et de ne pas suivre quand c’est vraiment cassant. Bref, si la SID et la F34SC font jeu égal au niveau de la proue avec juste des styles un peu différents, pour ce qui est de l’amortisseur, nous aurions vraiment envie d’essayer le Fox Float qui équipe désormais l’Epic Evo en 2022.
Et le reste de notre montage ? Du côté de la transmission, pas de surprise, le Sram XX1 AXS fonctionne à la perfection. Nous utilisons le XX1 mécanique depuis sa sortie en 2017 et nous n’avons toujours pas dû changer la cassette (qui a fait 4 chaînes). Le groupe fonctionne toujours à merveille également, tout comme le XO1 AXS que nous testons également depuis sa sortie il y a un peu plus de deux ans maintenant. De quoi augurer pas mal d’années de plaisir avec ce XX1 AXS qui marie précision, douceur et facilité d’utilisation.
Pour ce qui est des commandes au cintre sous forme de petits boutons, nous étions curieux d’essayer mais vraiment sceptiques. Eh bien finalement, nous avons fait une très belle découverte ! Le temps d’adaptation est moins grand qu’avec la commande Sram AXS VTT habituelle, qui ressemble fort à un shifter mécanique mais qui a une logique de fonctionnement différente et qui impose donc une petite gymnastique cérébrale. Ici, on est sur un principe tout à fait différent, puisqu’on a un bouton pour monter les rapports sur la cassette (à gauche pour nous – et c’est personnalisable via l’app) et un autre (à droite) pour les descendre. Simple, efficace et finalement bien plus intuitif que ce qu’on imaginait ! Même les autres testeurs à qui nous avons fait essayer le vélo l’ont adopté en quelques kilomètres. Bref, c’est une alternative très crédible !
Par contre, nous n’avons pas du tout accroché au bouton de commande de la tige de selle Reverb AXS incrusté dans le grip gauche. Cette solution, inspirée de celle utilisée en coupe du monde par quelques top pilotes, ne nous a pas du tout séduits. Déjà, intégrer le bouton dans le grip est une prise de tête et il est difficile de faire une découpe bien propre, mais sur le terrain, le maniement est complexe et peu naturel à nos yeux. On cherche le bouton, il faut un peu de force pour l’actionner et cela nous a semblé tout sauf naturel. Bref, ce petit bouton va donc partir rapidement et nous allons tester une autre solution offerte par le système AXS : appuyer simultanément sur les deux petits boutons de commandes de vitesses pour actionner la tige de selle ! Affaire à suivre. Au pire, nous pourrons toujours mettre la commande classique.
Sujet sensible : les freins. Sram n’était clairement pas le premier choix, mais sont-ils si terribles que cela ? Soyons de bon compte : ce combo Level/G2, ça freine quand même. Ok, la puissance n’est pas leur première qualité, mais nous n’avons jamais eu l’impression d’être en délicatesse. Nous n’avons pas roulé en montagne avec du gros dénivelé pour vérifier l’endurance, mais sur des reliefs comme ceux du Sud de la France ou des Ardennes, ils ne sont pas en difficulté. Leur progressivité et le toucher des leviers est, par ailleurs, très agréable. Reste que Sram peut certainement faire mieux et devrait repartir d’une feuille blanche pour réellement mettre ses freins au niveau du reste des équipements proposés car on trouve effectivement mieux sur le marché. Un dernier point concernant ce chapitre : le combo disque plus grand et étrier 4 pistons devant fonctionne vraiment très bien et la différence avec l’arrière, bien perceptible, n’est pas trop importante et ne rend pas l’ensemble incohérent. Une bonne idée, donc !
Du côté des roues, si on peut avoir plus léger et un poil plus dynamique avec des montages artisanaux plus légers et plus pointus, ces roues Roval Control 29 Carbon figurent parmi les très bonnes surprises de ce montage. Sans être les plus haut de gamme, elles offrent des prestations très convaincantes sur le plan du rendement et elles dégagent une impression de grande robustesse qui contribue beaucoup à la confiance éprouvée au guidon de cet Epic Evo qui n’a rien d’un vélo de salon. Les pneus Specialized de nouvelle génération sont aussi remarquables. Bien sûr, le Renegade à l’arrière n’est pas très à l’aise quand c’est humide et il cédera sa place utilement à un deuxième Fast Track pour l’arrière pour l’hiver, mais dans la rocaille, il est complètement dans son élément avec un compromis rendement/traction bluffant. A l’avant, le Fast Track procure une accroche irréprochable sur le sec et ne perd rien de sa superbe dans des conditions plus humides où on sent que sa gomme tendre parvient à bien accrocher les moindres aspérités pour garder le contrôle même quand c’est glissant.
Un dernier point avant de conclure, sur les autres composants retenus. Le poste de pilotage Gemini, que nous roulions déjà sur un précédent vélo, est bien à sa place sur ce Dream Build. Son poids record de 150g n’en fait pas un objet de vitrine ! Sa rigidité est tout à fait correcte pour peu qu’on ne fasse pas 100kg ou qu’on n’ait pas des bras de Hulk, et aucun élément ne nous fait douter de sa solidité. Seuls petits regrets : le support GPS est en option et doit être collé sur l’avant du cintre, et l’interface potence/fourche manque peut-être un peu de surface car, si la rigidité de l’ensemble est bonne, on peut parfois ressentir qu’il y a un peu de flex au niveau de la connexion avec la fourche. Nous avons aussi choisi d’indispensables grips en silicone, pour un bon compromis poids/confort/accroche, et une selle Specialized Power dont nous apprécions toujours l’ergonomie qui permet de rouler très longtemps sans ressentir de douleurs ou engourdissement. Mais il s’agit d’un point très personnel…
Conclusion
Vous nous avez livré votre vision de ce que serait votre vélo XC/down-country de rêve. Nous l’avons en grande partie suivie et nous vous en avons aussi livré notre interprétation. Un moment de rêve et de plaisir, oui, mais aussi beaucoup d’enseignements tirés sur les tendances et ce qui vous séduit. Mais ce Dream Build est aussi l’occasion de voir si le rêve ne se transforme pas en cauchemar dans le monde réel à cause de choix qui sembleraient intéressants sur papier et dans les méandres de nos cerveaux de passionnés, mais qui s’avèreraient en fait difficilement utilisables, peu fiables ou pas pratiques en réalité. Si on a vu beaucoup de Dream Build qui ont pu, par le passé, être avant tout des vélos de salon, ce n’est absolument pas le cas ici. On peut envoyer du lourd et rouler très fort avec ce Specialized Epic Evo S-Works monté à la carte !
Mis à part quelques petits détails, comme la commande de tige de selle télescopique, le cocktail constitué ici apparaît comme particulièrement cohérent et surtout particulièrement jouissif à utiliser ! Bien sûr, nous aurions peut-être faire encore plus exotique, mixer encore plus de marques et de pièces différentes. Nous allons d’ailleurs continuer à le raffiner, à nous en servir comme base de test pour différentes pièces et à l’utiliser pour voir sur le long terme s’il continue de nous donner satisfaction, mais tous les feux semblent au vert pour aborder l’avenir sereinement. Et nous espérons que, même si ce genre de montage restera hélas de l’ordre du rêve pour beaucoup, vous aurez passé un bon moment en suivant cette aventure, en jouant avec nous, et que certains points vous inspireront pour vos montages. Une chose est sûre, ce n’est pas le dernier Dream Build Vojo et nous avons encore plein d’idées, y compris certaines qui vous impliqueraient encore plus ! Stay tuned !
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