Interviews | Sram Eagle AXS 2023 : dans les coulisses du développement

Par Léo Kervran -

  • Tech

Interviews | Sram Eagle AXS 2023 : dans les coulisses du développement

Lorsqu’on est allé chez Sram en Allemagne pour en apprendre plus sur la nouvelle transmission, on a vu beaucoup de choses intéressantes mais on a aussi passé un certain temps à discuter avec les équipes qui ont fait naître et accompagné ce projet, parfois depuis ses débuts ou presque. Vous avez pu découvrir des extraits de ces interviews dans notre article principal ou dans la vidéo mais cela gardait un goût de trop-peu, on avait envie de vous faire profiter de tout ce qu’on ce qu’on a pu découvrir. Voici donc la transcription complète des interviews avec Frank, l’ingénieur en chef, Andreas, le chef produit, Jochen, le designer, Matthias, l’ingénieur dérailleurs et Jesse, l’ingénieur essais :

Si vous l’avez manqué, on vous conseille de commencer par lire l’article qui présente toutes les nouveautés de ces transmissions : Reportage | Sram Eagle AXS 2023 : entrée dans un nouvel âge

Vous pouvez également regarder la vidéo qui retrace notre découverte du système, de la réception du vélo à la conclusion 6 mois après, en passant par la visite en Allemagne : Est-ce qu’on a besoin d’une nouvelle transmission ? | Sram Eagle AXS 2023

C’est fait ? Alors cliquez sur le bouton ci-dessous ou dans le sommaire en bas de page pour découvrir la suite.

Frank Schmidt, ingénieur en chef & Andreas Kölsch, chef produit

Bonjour à tous les deux ! Pour commencer, est-ce que vous pouvez vous présenter ?

Frank : Je m’appelle Frank Schmidt, je suis l’ingénieur système en chef pour les transmissions VTT et je suis donc responsable de la mise au point de tous les composants que nous développons ici à Schweinfurt mais aussi sur les autres sites, en Californie et au Portugal.

Andreas : Et je m’appelle Andreas Kölsh, je suis chef produit pour les transmissions VTT et j’étais en charge de ce projet depuis le début.

Puisque vous parlez du début, quand ce projet a-t-il commencé chez Sram ? De quand date la toute première idée, le premier concept ?

Andreas : Habituellement chez Sram, il y a les deux, ça peut venir des chefs produits mais il y a aussi beaucoup de bonnes choses qui viennent du côté de l’ingénierie. Frank, à quand remonte le premier développement avancé du projet ?

Frank : Je ne connais pas le jour exact mais dans le groupe de développement avancé, ils commençaient déjà à y réfléchir lorsque nous travaillions encore sur Eagle et Eagle AXS. Donc, il y a peut-être 5 ou 6 ans, ils ont commencé à y penser et ensuite l’équipe de développement de produits qui travaille avec moi a repris ce projet après que nous ayons lancé Eagle AXS.

Vous dites donc que vous avez eu l’idée du dérailleur à montage intégral avant même de lancer l’écosystème Eagle et le groupe à 12 vitesses sur le marché ?

Frank : C’était en quelque sorte… avant que nous lancions Eagle AXS, donc après Eagle.

Andreas : En gros tout s’est mis en place en 2018 et le projet a été lancé en 2019. Ensuite les équipes d’ingénieurs ont commencé à travailler sur ce projet, on parle d’environ 200 personnes à travers le monde entier, principalement ici à Schweinfurt mais aussi avec les manivelles et les plateaux à San Luis Obispo en Californie, les capteurs de puissance aux USA… Une bonne partie de l’électronique est faite à Chicago et puis bien sûr il y a Taïwan, où tout est préparé pour la production.

D’où est venue l’idée du full mount ? Est-ce que c’est parce que vous recherchiez vraiment plus de précision et que vous avez pensé « oh, et si on mettait le dérailleur comme ça sur le cadre » ou est-ce que c’est venu d’ailleurs ?

Frank : Avec Eagle on a déjà fait beaucoup d’améliorations sur la transmission, mais dans nos tests, il y avait beaucoup de choses qu’on ne pouvait pas contrôler et le dérailleur ou la mécanique devait toujours s’ajuster. Le réglage des vis de limite, de la vis d’englobée et aussi la rectitude de la patte de dérailleur, on ne pouvait que mettre en place des spécifications pour les dimensions et ce genre de choses, mais on ne pouvait pas les contrôler et on a réalisé que souvent, si un système ne fonctionne pas, c’est parce que la patte est déformée.

Si on y regarde de plus près, la patte de dérailleur a été conçue il y a, je ne sais pas, 80 ou 90 ans, pour des vélos de route qui avaient 3 vitesses alors que maintenant on a des cassettes 10-52, un écart énorme, 12 vitesses, et on a besoin de beaucoup plus de précision. Se baser sur cette conception très ancienne est donc aujourd’hui difficile et de là, le reste est plutôt logique. Qu’est-ce qu’on fait pour éviter que quelque chose qui pend d’un côté ne plie ? On ajoute un autre support de l’autre côté. C’est évident mais personne ne l’avait fait parce que c’était une habitude dans l’industrie d’avoir cette patte de dérailleur. C’était un grand pas de prendre cette décision et d’essayer de persuader tous les OEM [original equipment manufacturer, comprendre ici les marques de vélo] de s’adapter à ce design.

Mais il y a peut-être aussi quelque chose d’utile dans cette patte de dérailleur qui se plie, pour beaucoup de gens ça permet aussi de protéger le dérailleur. Sans cette pièce pour faire fusible, comment le dérailleur est-il censé faire face aux impacts ?

Frank : Oui, c’est une question évidente que tout le monde se pose et que les clients potentiels vont se poser lors du lancement. C’était aussi une question pour nous et c’est pourquoi nous avons fait un produit très robuste. Tu as vu les tests que nous avons effectués ici, la démonstration qu’Andreas a faite (quelques heures plus tôt, le chef produit a littéralement sautillé sur le triangle arrière d’un vélo posé au sol côté dérailleur), c’est vraiment très solide. L’idée c’est qu’après une chute, tu te relèves, tu remontes sur ton vélo et tu continues à rouler sans avoir à essayer de réparer une patte de dérailleur tordue ou que tout finisse dans les rayons en essayant de passer sur le grand pignon. Continuer à rouler après une chute, c’était le but. On a aussi la rotation vers l’arrière lors d’un impact frontal, qui permet d’évacuer l’énergie. Sans rire, ce truc est vraiment solide.

Une autre question que vous risquez d’entendre souvent concerne le cadre. Est-ce que ce dérailleur pourrait être trop solide pour lui ?

Frank : En fait, le dérailleur est attaché à l’axe et pas tellement au cadre, il est autour du cadre. On a fait attention à ça aussi et pour nos tests d’impact, on a pris un semi-rigide XC de compétition en carbone, très léger. Après de nombreux impacts il n’y a toujours rien sur ce cadre donc il n’y a pas à s’inquiéter pour le cadre. On a envoyé des échantillons à de nombreux fabricants de cadre donc ils utilisent déjà ce système et personne ne s’inquiète.

Andreas : Et le cadre peut aussi heurter un obstacle, comme le tube diagonal, les bases, les haubans… Tout est exposé sur un sentier de toute façon, donc si tu as un accident ou si tu dois descendre de ton vélo et qu’il tombe, il y a une chance que quelque chose soit touché ou que d’autres pièces se cassent. Comme Frank l’a dit, il y a une énorme amélioration. Si des gens de ma taille peuvent sauter sur le vélo sans que rien ne se passe, si Nino [Schurter, lors des championnats du monde] peut tomber et dévaler la pente sur son dérailleur et quand même remporter la course, c’est une grande amélioration.

Frank : Tu as vu le test d’impact. Si c’est le même impact sur la base ou le hauban je pense que ça ne se terminera pas très bien donc si tu as de la chance, tu tomberas sur ton dérailleur (rires).

Vous disiez que vous avez commencé à travailler sérieusement sur ce projet en 2018. Entre-temps vous avez également lancé la patte de dérailleur Sram UDH. Je pense qu’on peut maintenant tous voir que cela faisait partie du plan pour uniformiser l’interface entre le cadre et le dérailleur, mais comment êtes-vous arrivés à cette idée ? Cela faisait-il partie du plan dès le début, comme une première étape ?

Andreas : En général, les gens aiment la nouveauté et le changement, mais ils détestent être changés et, en particulier dans l’industrie du vélo, la mise en place d’un nouveau « standard » est toujours au centre des discussions. Je repense aux discussions sur les tailles de roues, à quelques autres « standards » qui ont été introduits sur le marché et pour lesquels nous avons dû faire face à des vents contraires pour mettre en place une nouvelle plateforme. C’était donc clair pour nous dès le début, et on était convaincus dès le départ, qu’on voulait mettre le Full Mount à la portée du plus grand nombre et qu’il fallait convaincre le plus grand nombre possible de marques de s’adapter à cette nouvelle norme d’interface sans patte de dérailleur. De là est venue cette idée intelligente du bureau d’études de proposer cette solution intermédiaire de la patte de dérailleur universelle qui prépare le terrain et crée l’espace dont nous avons besoin, en introduisant sur le marché une forme spécifique pour le cadre, de sorte qu’à un moment donné il suffira de retirer la patte de dérailleur et de monter la transmission Eagle avec le dérailleur Full Mount.

C’était donc une « étape » planifiée et peut-être que certaines personnes l’ont vu, du moins lorsque les premiers brevets sont sortis et qu’elles ont pu faire le lien. Au final c’était plutôt bon pour nous, ça nous a aidés à convaincre d’autres marques parce qu’elles comprenaient enfin ce qui pourrait être le plan. Pour d’autres, on a dû entrer dans les détails et leur montrer ce qu’était notre objectif final, on a dû présenter un concept, ça n’a pas toujours été facile. Heureusement, et on en est très reconnaissants, de nombreuses marques ont adopté le concept relativement tôt. C’est impressionnant quand on voit le nombre de cadre qui ont déjà l’interface UDH et qui sont prêts à utiliser notre transmission Eagle, c’est quelque chose comme 250 ou 300 modèles.

Frank : Andreas a parlé de 250 ou 300 modèles mais il faut bien se rendre compte que ça prend du temps. Je veux dire, chaque fabricant fait un lancement par an et ensuite le vélo ne bouge pas pour les 3-4 prochaines années donc si tu leur dis « ok, mettez cette interface sur votre cadre », même s’ils sont entièrement derrière nous et qu’ils comprennent ce qu’on va faire, ils n’ont pas forcément la capacité de suivre immédiatement, ils ont besoin de quelques années pour l’accomplir. Le marché est aujourd’hui prêt pour cette nouveauté mais l’UDH était définitivement une étape nécessaire.

On dirait que beaucoup d’idées viennent des ingénieurs.

Andreas : Oui, c’est notre identité, on a des produits formidables mais aussi des gens formidables et sans ces personnes, on ne serait pas là où nous sommes aujourd’hui. Tous nos ingénieurs sont des riders, ils viennent au travail à vélo, ils rentrent chez eux à vélo, ils testent toutes les nouvelles choses sur le chemin du retour ou dans nos lunch rides… Je pense que c’est une culture très forte que nous avons, qui est vraiment liée au produit, et sans l’ingénierie on ne serait rien.

J’aimerais maintenant creuser un peu plus le côté technique, avec une question sur la cassette pour commencer. Vous avez changé beaucoup de choses sur la transmission, même la chaîne et la façon dont on passe d’un pignon à l’autre. Pourquoi ne pas être allé plus loin et avoir fait un groupe 13 vitesses ?

Andreas : Il y a tout un tas d’idées du côté des ingénieurs qui s’assemblent et s’empilent au fil du temps, des petites améliorations ici et là qu’on met de côté en se disant « ok, peut-être qu’à un moment donné on les mettra toutes ensemble ». Au début on a regardé tout ce qu’on pouvait faire mais ensuite, surtout pour cette grosse nouveauté, on a vraiment voulu travailler sur ce qui rendait l’expérience meilleure. Pour nous, c’était relativement clair dès le début que le simple fait d’ajouter une vitesse supplémentaire, une de ces façons conservatrices d’évaluer une transmission, ne répond pas à un besoin direct du pratiquant. Mais si on parle de la robustesse et de la transmission la plus résistante que nous ayons actuellement, ou de l’incroyable changement de vitesse en charge qu’on a mis en place, ainsi que de la facilité d’utilisation et d’installation, cela représente une valeur bien plus importante pour les gens que le simple ajout d’une vitesse supplémentaire, d’une plus grande étendue de rapports ou d’alléger ce qui existe déjà. Je pense qu’il y a aussi des défis techniques à relever, liés à la conception du changement de vitesse. Il faut aussi se poser la question de savoir où l’on veut glisser ce nouveau pignon, c’est aussi un défi.

Frank : Il ne faut pas oublier ce n’est pas « seulement » une vitesse de plus. Il faut de l’espace pour ça. Sur la cassette, l’équipe qui travaille sur les pignons se bat pour gagner quelques dixièmes de millimètres et en face il y l’équipe de la chaîne qui a également besoin d’espace pour faire quelque chose de solide et fiable donc ajouter un autre pignon serait certainement un défi. On a aussi les données qui montrent que ce que nous avons actuellement est parfait, avec l’AXS on peut voir ce que les pratiquants utilisent et les 12 vitesses sont de loin suffisantes. On a donc décidé de conserver ce système et de le rendre plus robuste au lieu de le rendre plus complexe. Il n’y a pas besoin d’un pignon de 56 dents ou plus.

Andreas : Tu peux le vérifier par toi-même. Si tu as un dérailleur AXS et que tu as l’application Sram, tu peux mesurer le temps que tu passes sur chaque vitesse et tu verras immédiatement qu’il y a au moins une partie du spectre des vitesses que tu n’utilises pas beaucoup.

Et à l’autre extrémité du spectre, vous parlez de robustesse et de facilité d’utilisation, quelle est votre opinion sur les boîtes de vitesses ?

Andreas : Les boîtes de vitesses font toujours l’objet de discussions et j’ai dit plus tôt que nous voulions apporter un avantage au plus grand nombre possible de personnes mais la boîte de vitesses unique, la boîte de vitesses parfaite, est vraiment difficile à mettre au point. Pour l’instant, on a Eagle disponible pour tout le monde. Schurter a gagné un championnat du monde sur un vélo de XC, mais il y a aussi le pratiquant de tous les jours qui peut acheter un groupe SX ou NX et profiter des performances, de la gamme, des vitesses et de toutes les caractéristiques d’Eagle à un prix différent.

Ça toujours a été un défi particulier du côté de la gestion des produits, il suffit de regarder un moteur pour comparer. Demandez à n’importe quel grand fournisseur de moteurs, « Sram a du XX, du X0, du GX, ça va même jusqu’au SX. Pourquoi n’avez-vous pas des moteurs pour tous les prix ? ». Je pense que nous sommes dans un scénario similaire ici avec la boîte de vitesses, il pourrait y avoir une solution mais celle-ci est difficile à mettre en œuvre pour tout le monde, horizontalement pour différents cas d’utilisation, mais aussi verticalement pour différents niveaux de prix et de volonté de payer pour certaines technologies. Et je pense qu’il y a aussi des aspects du côté technique qui rendent les choses plus différentes, plus difficiles…

Frank : Mon travail consiste essentiellement à fabriquer la meilleure transmission standard (rires). Mais à part ça, oui, pour une boîte de vitesses, l’efficacité est toujours un problème parce que vous avez toujours besoin d’une chaîne pour transférer la charge de l’avant à l’arrière du vélo et vous avez ensuite des pertes d’efficacité dans la boîte de vitesses. Même si tu fais quelque chose de vraiment sophistiqué et coûteux, tu auras toujours des pertes d’efficacité et tu auras besoin d’une interface avec le cadre spéciale qui sera beaucoup plus compliquée que ce que nous avons créé avec le Full Mount et l’interface sans patte de dérailleur. Ce n’est pas quelque chose auquel nous ne pensons pas, mais pour ce projet ce n’était pas une option.

Andreas : Corrige-moi si je me trompe Frank mais avec une boîte de vitesses il y a toujours besoin d’une chaîne, d’un pignon, de gérer l’allongement des bases, de quelque chose qui maintient la chaîne sous tension… Il y a beaucoup de choses à mettre face-à-face, il faut vraiment regarder ce qui compte pour les pratiquants. Les boîtes de vitesses sont là depuis des années, même ici on en a, les idées vont et viennent mais actuellement on est super content avec ce qu’on a développé et particulièrement quand on parle de solidité et de robustesse, ici on est vraiment proche d’une approche de boîte de vitesses « externe ». Il suffit de l’entourer d’un boîtier et on y est en fait, on a maintenant une solution très intéressante de transmission externe qui rend obsolètes, du moins à mon avis, tous les paramètres les plus évidents qui feraient choisir une boîte de vitesses.

Un autre sujet que je voulais aborder est le poids. Dans la version SL en particulier, le groupe est assez léger mais le dérailleur est presque lourd par rapport au XX1 AXS existant. Quelle est votre opinion sur le poids de la transmission aujourd’hui, en 2023 ? Le nouveau groupe a déjà gagné des coupes du monde de XC donc peut-être qu’au plus haut niveau ce n’est pas un gros problème, mais ça reste dérailleur « lourd » à l’extrémité du vélo.

Andreas : Oui, le poids est l’une choses que les gens attendent le plus lorsqu’un nouveau produit sort sur le marché mais là encore, on a voulu se pencher sur ce qui représente vraiment une valeur ajoutée pour le pratiquant. La robustesse est l’une de ces valeurs, et la robustesse est principalement obtenue par l’ajout de matériaux. Ça concerne tout le monde, aussi bien le compétiteur de XC pour qui c’est un travail de gagner des courses que monsieur ou madame tout-le-monde qui fait peut-être le voyage de sa vie au Canada. A ce moment, tu n’as pas envie de tomber le premier jour et de devoir oublier tout ton séjour de deux semaines parce que tu as cassé le dérailleur dans la chute. Donc je pense que c’était nécessaire de renforcer ce dérailleur et de le rendre aussi robuste que possible, et si dans le futur on peut, on regardera pour faire des choses encore un peu plus légères avec une structure similaire.

Mais d’un point de vue plus général, on n’est pas plus lourd lorsqu’on prend le groupe en entier et on est même plus léger quand on considère par exemple notre nouvelle solution de capteur de puissance avec le plateau intégré mais toujours amovible. Et si l’on considère les commandes, qui font partie aussi du groupe, on gagne beaucoup de poids… Plus la nouvelle cassette, plus la nouvelle chaîne. Donc dans l’ensemble, je pense qu’on n’est pas trop mauvais et pour un poids à peu près équivalent, voire plus léger, on a obtenu une robustesse et une résistance bien plus élevées, ce qui est une réussite en soi.

Frank : Pas grand-chose à ajouter à ça. Peut-être qu’à l’avenir on pourra le rendre plus léger avec plus d’expérience mais on préfère commencer haut et ensuite descendre plutôt que d’envoyer sur les chemins quelque chose qui n’est pas bon pour l’utilisateur.

Ici on a vu seulement le Sram XX et le Sram X0, qu’en est-il des autres groupes ? Le GX AXS est déjà sur le marché depuis quelques années maintenant, le NX et le SX Eagle sont encore du côté « mécanique » si on peut dire, avec un câble. Quel est le plan pour eux ?

Andreas : Nos ingénieurs ne s’ennuient pas, c’est tout ce que je peux dire (rires). J’ai dit plus tôt que l’on veut mettre les nouvelles technologies à la portée du plus grand nombre et cela signifie non seulement des cas d’utilisation différents, mais surtout d’autres tarifs et vous pouvez vous attendre à en voir davantage à un prix plus abordable à l’avenir. Nous verrons ce que l’avenir nous réserve, mais le montage Full Mount est certainement quelque chose que nous voulons continuer pour apporter cette robustesse au rider de tous les jours afin que chacun puisse bénéficier de ces nouvelles valeurs.

Jusqu’à présent, on n’a vu cette interface full mount qu’avec des groupes électriques sans fil. Cela signifie-t-il pour vous la fin des groupes mécaniques / à câbles ?

Andreas : L’une de nos compétences est qu’on propose ce qui se fait de mieux en matière de changement de vitesse dans le cadre d’une expérience globale du VTT, dans les bois et sur les sentiers. L’électronique rend les choses plus faciles à utiliser, plus efficaces, plus rapides, plus précises et tout ça donc si on parle des meilleurs performances dans le domaine, on se doit d’opter pour l’électronique. Je suis tout à fait conscient que l’électronique ajoute également un certain prix à un groupe et si on se concentre uniquement sur la robustesse, le changement de vitesse en pleine charge et la facilité d’utilisation, on peut également envisager une solution mécanique à l’avenir mais ce n’est pas notre plan pour le moment. On verra ce que l’avenir réserve.

La première fois que le monde a vu ces transmissions, c’était aux Gets pour les championnats du monde qui se sont d’ailleurs plutôt bien déroulés pour Sram. Comment avez-vous travaillé avec les athlètes ?

Andreas : Nous avons nos athlètes, ça fait partie de notre culture et on travaille avec eux de manière très étroite, ils nous ont également aidés lors des développements précédents. Comme nous sommes co-sponsor de l’équipe Scott-Sram, bien sûr Nino Schurter et l’équipe, y compris les mécaniciens qui ont également joué un rôle important, ont fait partie du développement depuis le début et on leur est très reconnaissants pour cette collaboration. Je me souviens qu’on s’était rencontrés juste avant la pandémie, une de nos équipes d’ingénieurs était allé voir Nino en Afrique du Sud pour installer la première transmission Eagle sur son vélo. Ils avaient fait quelques analyses rapides, recueilli quelques retours… Nino l’a roulé au tout début, lorsque ce concept est sorti du développement avancé en 2019.

Ensuite on s’est mis au travail pour améliorer et ajuster les choses puis on a repris la discussion début 2022, où ils ont pu rouler avec la transmission un peu plus longtemps, en secret bien sûr. On est allé à Albstadt, à Nove Mesto, à Leogang, on a fait quelques petits ajustements et modifications au fil de la saison et heureusement pour eux, ils ont été autorisés à rouler avec aux Gets. Ça a été un succès et la suite de la saison aussi, on a déjà eu quelques belles victoires.

Une dernière question. Ces nouvelles transmissions sont plus robustes, plus faciles à installer, les vitesses passent mieux, d’accord mais ce n’est pas évident de se rendre compte de ce que ça apporte tant qu’on ne l’a pas expérimenté, ce n’est pas un chiffre comme le poids ou un étagement de cassette. Comment vous expliqueriez l’avantage de ce nouveau groupe, ce qui pourrait nous convaincre des intérêts de cette nouveauté ?

Andreas : Eh bien, il faut se simplement se demander « qu’est-ce qu’on casse le plus sur un vélo ? ». Ce genre de sondage et ou de question circule depuis des années et on constate à chaque fois qu’après la roue, c’est-à-dire les rayons, les jantes, les pneus, les chambres à air et tous ces éléments, la transmission est la chose la plus exposée et quand on pense au coût à réinvestir pour maintenir une transmission en état de marche, c’est déjà un argument en soi. Je pense qu’il y a beaucoup de gens qui diraient : « Le GX m’intéresse, le prix est peut-être juste pour la qualité mais ça reste même très cher. Ça fait beaucoup d’argent et qu’est-ce que vous pouvez faire, Sram, pour me donner la certitude qu’il ne se cassera pas dès la première sortie si je tombe ou même tape quelque chose ? »  Maintenant, on a des réponses à leur apporter, elles sont évidentes juste en regardant le produit. Il est plus robuste, il a le full-mount

Effectivement c’est s’engager dans la voie de l’électronique et dépenser un peu plus au départ mais c’est pour un produit bon et robuste, donc avoir en fin de compte un plaisir qui dure plus longtemps sur les sentiers. À ce stade, je dirais « vous n’en avez peut-être pas besoin aujourd’hui, mais une fois que vous l’aurez utilisé pour la première fois, vous en aurez besoin. Parce que vous ne voudrez jamais revenir en arrière. » Frank, tu ferais marche arrière ?

Frank : Non ! Clairement non (rires). Ce n’est pas seulement la robustesse mais aussi la performance, tout est si bien connecté et pensé ensemble, c’est largement au-dessus.

Photos Rupert Fowler

Jochen Bierwerth, designer industriel, électronique et ergonomie

Bonjour Jochen ! Pour commencer, peux-tu te présenter ?

Je suis Jochen, je travaille en design industriel ici à Schweinfurt et je suis heureux de faire partie de l’équipe des contrôleurs électroniques.

Depuis combien de temps travailles-tu ici ?

Je suis à Schweinfurt, chez Sram, depuis 12 ans. J’ai commencé avec des projets sur la route puis je suis passé sur le pré-développement et maintenant je me concentre sur le VTT et l’e-MTB.

Tu disais que tu es designer industriel pour l’électronique, en quoi consiste ton travail plus précisément ? Parce que j’imagine qu’il y a beaucoup de choses à faire du point de vue du design dans l’électronique.

Oui, être un designer industriel chez Sram ne signifie pas seulement que nous rendons les choses belles ou agréables. Ça fait partie de notre travail mais en plus de cela nous sommes responsables de l’ergonomie et de l’expérience humaine globale du produit, c’est-à-dire que tout ce qui est lié à l’expérience du produit sur et en dehors du vélo est quelque chose qui nous intéresse et sur lequel nous mettons l’accent.

Donc depuis plus de 10 ans maintenant, tu travailles sur l’ergonomie, aussi bien sur la route que sur le VTT ?

L’ergonomie, principalement sur le VTT et un peu de CLM/triathlon mais c’est une grande équipe, nous avons des experts à Chicago qui travaillent sur la route, Schweinfurt se concentre principalement sur le VTT et l’e-MTB et nous avons le Colorado qui travaille sur les freins et la suspension. C’est une équipe globale et c’est bien d’en faire partie.

L’ergonomie, c’est un sujet important en VTT…

Oh oui ! (rires)

Je pense qu’on peut dire qu’elle n’a pas beaucoup évolué pendant 15-20 ans, quand nous étions toujours avec les dérailleurs mécaniques et les shifters classiques puis l’électronique est arrivée et il y a eu une petite révolution. Lorsque Sram a lancé le premier groupe AXS, comment avez-vous pensé cela ? C’était un tout nouveau monde pour vous.

Oui, oui, c’est vrai. J’ai dirigé les efforts de pré-développement pour le premier contrôleur AXS pendant deux mais je n’ai pas travaillé sur la partie production, c’était le travail de mon collègue Alex. Comme tu le dis, c’est une sorte de révolution parce qu’avec le changement de vitesse mécanique on était toujours limité par un câble en acier standard qui doit être tiré et relâché pour que le dérailleur arrière fasse le changement de vitesse. Avec l’électronique, on a d’abord pensé qu’on pouvait faire tout ce qu’on voulait. Ce n’est pas le cas mais les limitations concernant l’ergonomie de la main, l’ajustement, etc, sont beaucoup plus favorables au pilote, à l’utilisateur.

Quelles sont les limites de l’électronique ?

Dans notre cas, on a besoin d’une source d’énergie et on a besoin d’un composant électronique qui transmet le signal sans fil à notre dérailleur arrière et à d’autres composants. D’ailleurs, c’est pour ça qu’on ne parle plus de commande ou de shifter mais de contrôleur maintenant. On ne peut pas placer la source d’énergie et l’électronique partout où l’on veut, il y a donc quelques limites mais la liberté est, encore une fois, beaucoup plus grande par rapport au dérailleur classique.

Et maintenant, spécifiquement sur le nouveau contrôleur, il est vraiment différent du contrôleur AXS qu’on connaissait jusqu’à présent. Quand avez-vous commencé à travailler dessus ? Et pourquoi avez-vous pensé que nous aurions besoin de quelque chose de nouveau ?

Je pense que les concepts initiaux ont probablement 6 ans. Peut-être même plus vieux, 7 ans. On a expérimenté avec l’électronique qui existait, on a soudé des fils sur des Blipbox, on a essayé différent boutons, on a fait tout ce qu’on pouvait pour avoir des prototypes fonctionnels. Chez Sram c’est très important pour nous, pour nos décideurs, d’avoir des prototypes fonctionnels sur lesquels on peut rouler. Avoir quelque chose sur l’écran, une simulation informatique, de beaux rendus sur une feuille de papier ne sert à rien. L’ergonomie doit être testée et pas seulement sur un vélo à l’arrêt, elle doit fonctionner. Il faut aller dans les bois, monter et descendre pour faire l’expérience de l’ensemble et apprendre à connaître les besoins réels des pratiquants et comment les améliorer.

Pour répondre à la deuxième question, pourquoi a-t-on pensé qu’on devait l’améliorer ? Je pense qu’on avait une assez bonne solution qui est toujours sur le marché et on continue d’ailleurs à l’offrir, la manette AXS avec l’option de la Rocker Paddle. Mais ce qu’on a appris au fil du temps, c’est qu’il n’y a pas de vérité unique en matière d’ergonomie et de besoins des pilotes. On voulait donc élargir notre offre et proposer quelque chose de beaucoup plus léger, de plus abordable et offrant plus de possibilités de réglage. Avec l’offre actuelle, le réglage est limité, je dirais que c’est comparable au changement de vitesse mécanique mais avec ce nouveau produit, on utilise l’électronique à son plein potentiel.

Tu dis que vous deviez le tester dans le monde réel, comment faites-vous pour tester ce genre de choses ? Dans l’industrie ou pour certaines applications dans le monde du sport, on peut mesurer une activité musculaire ou ce genre de choses mais ici il s’agit d’un autre volet de l’ergonomie. Peut-être que je me trompe mais je pense que vous n’avez pas mesuré l’activité musculaire du bras, par exemple, pour ce projet. Alors comment dire « ok, ce design est bon, on va le garder » ou « on doit l’améliorer » ? Comment en arrive-t-on là ?

C’est une fantastique question ! En fait, c’est la partie la plus difficile de la conception de quelque chose qui est ergonomique pour une application en VTT. Il n’y a pas de manuel, il y a des manuels d’ergonomie pour d’autres applications, mais l’application au VTT est tellement spécifique qu’il n’y a rien. Et en même temps elle est très diversifiée, donc il n’y a pas de règles à suivre, sauf que la mesurabilité est vraiment importante. C’est un peu un facteur subjectif, mais notre objectif est de rendre les choses mesurables et pas de la manière où on mesure la main pour dire « ok, c’est ce type de personne, c’est ce type de client, il lui faut ça ».

On le fait aussi mais ce n’est pas toute la vérité. Donc, encore une fois, ce qu’on fait, c’est qu’on met des gens sur des prototypes, on leur fait tester nos idées, on les fait tester par différents genres, par différentes tailles de mains, de très petites mains, de très grandes mains… En mesurant quelques mains de nos employés de Sram, il y a de drôles de proportions ! Parfois les gens ont des mains minuscules avec des pouces super longs et vice-versa…

Le but ultime du nouveau produit était de rendre tout le monde content, mais oui, c’est difficile. C’est difficile d’arriver à une conclusion parce que l’ergonomie est une question de préférences, chacun a les siennes. Et c’est comme ça qu’on est arrivé à cette solution, on n’offre pas seulement une, mais plusieurs options et notre système permet à l’avenir de peut-être faire d’autres choses encore.

Je suppose qu’avec ce nouveau support, vous avez toujours la nouvelle interface et tant que vous gardez l’interface, vous pouvez monter à peu près tous les types de manettes.

Absolument, oui. Même sur la base de notre unité de contrôle électronique sur laquelle j’ai travaillé avec Wolfram Frank, l’un de nos ingénieurs les plus expérimentés, il y a cette unité dissimulée qui est étanche à l’eau et à la poussière, qui résiste au lavage à grande eau et sur laquelle on peut clipser n’importe quelle interface homme-machine.

Pour finir, est-ce que tu penses que tout le monde a besoin de cette nouvelle transmission aujourd’hui ? Il y a beaucoup de nouveautés mais comme tu l’as dit pour l’ergonomie, certaines choses ne sont pas mesurables donc c’est difficile de se rendre compte de ce que ça peut apporter.

Ce que je peux dire, c’est que le nouveau système élève le niveau de simplicité et d’installation, de réglage pour l’utilisateur, et c’est un grand avantage par rapport aux systèmes existants. Mais avant tout, la robustesse est ou était l’un des plus grands sujets de cette nouvelle transmission Eagle. Je pense que le dérailleur arrière, le plateau avec le bashguard, tous ces éléments s’ajoutent à un système qui est de loin plus robuste que tout ce qu’on a fait jusqu’à présent.

Les gens sont tellement différents. Pendant le développement, on avait des testeurs en internes, des idées d’un peu tout le monde… Certaines personnes te donnent des retours comme « est-ce que je peux l’avoir 2 mm de plus comme ça ? », « est-ce que je peux avoir l’angle un peu plus comme ça ? » et ce sont d’excellents retours ! Mais à un moment donné, il faut arriver à un point où… À ce stade, on ne peut pas avoir une ergonomie personnalisée, des cockpits personnalisés pour chaque pilote. Peut-être qu’un jour on en sera là, où, je ne sais pas, tout sera imprimé en 3D et il n’y aura qu’à entrer une commande pour qu’un système te sorte quelque chose qui est adapté à tes besoins, mais en attendant, je pense que l’ajustabilité nous aide à atteindre un public plus large.

Souvent, de grandes possibilités de réglage et d’ergonomie sont considérées comme contraires à l’intégration. Cette nouvelle commande n’est certainement pas intégrée d’une manière visuelle, mais dans mon esprit, l’expérience de l’utilisateur, ce que le pilote fait sur le vélo, comment on sent les boutons, où ils sont positionnés par rapport aux mains, ça l’emporte toujours sur l’apparence. L’apparence est importante pour un designer industriel mais la facilité d’utilisation est encore plus importante.

La meilleure intégration, ce n’est pas quand on ne voit rien, c’est quand on peut tout oublier.

Exactement. Bien dit !

Photos Rupert Fowler

Matthias von Heeg, ingénieur conception pour les dérailleurs

Bonjour Matthias ! Pour commencer, peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Matt von Heeg, je suis ingénieur conception pour les dérailleurs et je suis l’un des cinq ingénieurs qui ont travaillé sur ce nouveau dérailleur.

Peux-tu expliquer un peu ce qui rend ce dérailleur plus robuste que ce que nous connaissons aujourd’hui ?

Je pense que le plus évident, c’est que nous avons supprimé la patte de dérailleur, donc nous avons maintenant une conception Full Mount, avec deux « poutres » qui fixent le dérailleur au cadre. Cela assure qu’à chaque fois qu’on heurte quelque chose, plus rien ne plie ou ne casse et on a juste la meilleure performance qui soit sur toute la durée de vie du dérailleur. C’est la chose la plus importante, sans aucun doute.

Ensuite, nous avons conçu le dérailleur de manière à pouvoir le séparer en plusieurs parties, vous avez la cage, vous avez le système de parallélogramme qui est la partie la plus robuste. Si vous cassez quelque chose ce sera probablement la cage et vous pourrez simplement la changer, elle sera disponible en pièce de rechange.

Nous avons aussi affiné le design et au total, nous sommes maintenant 8 ou 9 mm plus à l’intérieur ce qui nous permet de « rentrer » un peu sous le cadre et de rendre le dérailleur plus difficile à toucher.

Penses-tu que c’est ce que vous pouvez faire de mieux en termes de robustesse du dérailleur ? Ou existe-t-il encore des possibilités d’amélioration pour l’avenir ?

En tant qu’ingénieur on recherche toujours la perfection mais je pense qu’on sait tous que la perfection n’est pas possible dans le monde donc, bien sûr, il y a toujours moyen de faire mieux. Je pense que nous en sommes très proches maintenant, nous avons abordé quelques points qui posaient vraiment problème sur le marché, mais pour tout ce que vous pouvez voir dans le monde, il y a toujours des améliorations possibles et il y aura une nouvelle version dans quelques années, nous voulons toujours améliorer et devenir meilleurs.

En parlant de robustesse, l’idée même d’un dérailleur n’est-elle pas un problème ? Cela reste une pièce assez grosse, exposée et à l’arrière du vélo donc on ne la voit pas. Une boîte de vitesse ne serait pas plus solide ?

Oui, tu as raison. Le problème auquel nous sommes confrontés, que les dérailleurs se cassent, c’est dû au simple fait que le dérailleur est à cet endroit. Mais c’est plus une question générale sur la transmission… Le système actuel de transmission avec un mécanisme de changement de vitesse à l’arrière présente de nombreux avantages comme l’efficacité, le contrôle du changement de vitesse et tout le reste, alors que les boîtes de vitesses ont d’autres avantages. En fin de compte, c’est une décision concernant la transmission, pas seulement un dérailleur. Je ne sais pas ce qui se passera dans 10 ans, on verra, mais pour l’instant le dérailleur reste la meilleure solution.

Et sur un sujet plus général, cette nouvelle transmission semble avoir des avantages à l’installation, au niveau de la solidité ou de la rapidité notamment en pleine charge, mais au final, penses-tu vraiment que tout le monde en a besoin ?

On développe des biens de consommation donc on veut avoir le meilleur sur le marché pour toutes celles et ceux qui veulent rouler avec ce qui se fait de mieux. Personnellement, j’ai roulé avec cette transmission pendant trois ans, à toutes les étapes du développement depuis le tout début, et je ne veux vraiment pas revenir au système actuel. Absolument pas.

Si vous en avez besoin ou pas, c’est à vous de décider, mais ce système est bien meilleur (rires). Et une fois que vous l’avez essayé, vous ne voulez plus revenir en arrière.

Jesse Parker, ingénieur essais

Bonjour Jesse ! Pour commencer, peux-tu te présenter ?

Je suis Jesse, j’étais ingénieur d’essai chez Sram à Colorado Spring pendant 8 ans et je suis en Allemagne depuis 3 ans maintenant. J’ai commencé par travailler sur les cassettes puis je suis passé au système complet il y a un peu plus d’un an. J’ai donc participé à ce projet depuis le début.

À quel moment commences-tu à travailler sur ces nouveautés ? Lorsque Sram développe une nouvelle transmission, les ingénieurs et les designers doivent d’abord avancer un peu, construire des prototypes avant de te les amener.

Ça dépend de l’ampleur du projet. Ici c’est d’une telle ampleur, avec une nouvelle interface, un tout nouveau dérailleur, un tout nouveau design… Pour moi ça a duré trois ans, et c’est à ce moment-là que nous commencé à avoir des groupes complets que nous pouvions utiliser. Certaines personnes ont commencé bien plus tôt que cela, avec des développements plus petits et des choses comme ça, mais oui, pour moi, c’était il y a environ trois ans.

Pour remettre les choses dans leur contexte, quand le projet a-t-il démarré chez Sram ?

Le projet a commencé avec l’équipe de développement avancé et ça date de bien avant… Il y a 6 ou 7 ans, il y avait déjà des rumeurs au Colorado sur quelque chose qui se tramait en Allemagne. Ça fait donc un certain temps.

Et quand vous avez commencé à travailler sur ce projet, est-ce que vous avez débuté sur d’anciens dérailleurs, peut-être pour trouver de nouvelles idées ou pour voir ce que vous pouviez améliorer ? Ou avez-vous commencé par le nouveau ?

On a commencé avec la nouvelle fixation [Full Mount], et comme souvent avec les dérailleurs prototypes, beaucoup de pièces usinées ou imprimées en 3D. On ne voulait pas vraiment commencer les tests avec un half mount ou une patte de dérailleur ordinaire parce qu’on savait que ça allait affecter les résultats des tests et on ne voulait pas être envoyés dans la mauvaise direction à cause de quelque chose qui allait de toute façon changer plus tard. En général on n’a pas autant d’échantillons au début, mais il faut qu’ils soient aussi proches que possible de là où tu veux arriver.

Si on avance maintenant sur les tests que tu mènes ici, quelles sont les principales différences que tu as constatées ici au laboratoire entre ce nouveau groupe et l’ancien ?

La douceur des changements de vitesse. En particulier pour les changements de vitesse à la descente, à quel point ils sont silencieux et contrôlés, c’est une différence spectaculaire. A la fois dans les données de la machine et aussi simplement en écoutant la transmission, en la regardant et en l’utilisant. La différence est énorme.

Le silence et la qualité des changements de vitesse, c’est vraiment quelque chose que l’on peut mesurer ici ?

Oui, oui. C’est facile à mesurer, ça devient difficile à quantifier quand c’est au niveau où c’est maintenant, c’est beaucoup plus difficile que quand c’était à un autre niveau et que les variations entre les changements de vitesse étaient plus grandes. Quand ça devient vraiment fin, c’est plus difficile de quantifier les améliorations incrémentales à la toute fin du projet. Mais au début, avec toutes les méthodes dont nous disposions, il était assez facile de dire que les choses étaient à un tout autre niveau.

Donc ça n’a rien à voir avec l’ancien système. Mais est-ce que tu penses vraiment, pour tout le monde, qu’on a besoin d’une nouvelle transmission aujourd’hui ?

Tout le monde aime avoir du neuf mais je pense que si on voit de plus en plus cette nouvelle transmission, les gens n’auront plus autant besoin de nouveautés parce que c’est tellement robuste et ça dure tellement plus longtemps. Je pense que les riders vont l’adorer, pour être honnête, mais je suis aussi quelqu’un qui n’aime pas acheter un tas de nouvelles choses et je ne veux pas donner l’impression que nous essayons toujours de pousser de nouvelles choses. Je dirais qu’on présente quelque chose qui est meilleur et on laisse les gens finir par l’adopter. Les pièces de vélo s’usent avec le temps, en particulier celles qui ont une patte de dérailleur, et je pense qu’au final, lorsqu’on achète une transmission comme celle-là et qu’on roule avec, on se rend compte qu’en fait, on aurait aimé l’avoir plus tôt.

Photos Rupert Fowler

[summary

Par Léo Kervran

string(71) "Interviews | Sram Eagle AXS 2023 : dans les coulisses du développement"
Vos données sont en route...