Visite | Forestal : le futur du VAE ?
Par Léo Kervran -
Forestal, on vous en a déjà parlé quelques fois sur Vojo. Sur le papier, il s’agit peut-être d’un des projets les plus excitants de ces dernières années dans le monde du vélo : des e-bikes à la fois légers et puissants, connectés et fabriqués au cœur de l’Europe occidentale, en Andorre. Après la présentation de son premier vélo début 2020, la marque a dû se faire discrète côté public pendant plus d’un an, pandémie oblige, mais les choses sont en passe de changer. Il y a quelques semaines, elle a bien voulu nous ouvrir ses portes pour une visite et une prise en main exclusives. Suivez le guide :
Forestal, tournée vers l’avenir
Avec Forestal, cela faisait un moment que cette visite était prévue. Il faut dire que la marque intrigue, entre ses revendications presque audacieuses quant aux performances de ses vélos, son lancement très rapide et sa technologie inédite, sur un segment aussi complexe que celui de l’e-bike. Finalement, c’est juste après le dernier Roc d’Azur que nous avons pris la direction de l’Andorre pour une visite singulière et plus qu’intéressante. On vous raconte :
Pour qui n’est pas habitué, l’arrivée sur Andorre-la-Vieille depuis la France est saisissante. Quelques minutes plus tôt, on était à plus de 2 400 m d’altitude sur le plus haut col routier des Pyrénées, le port d’Envalira, et nous voici maintenant face à une véritable ville coincée entre les montagnes, encore à plus de 1 000 m au-dessus du niveau de la mer.
C’est dans ce dédale de rues étroites, de petites échoppes et de gigantesques centres commerciaux que se cache Forestal. Si le voisin Commencal a fait le choix de s’installer à l’écart de cette « ruche », plus haut vers les montagnes, les installations de Forestal se situent en pleine ville, dans ce qui était avant une ancienne concession automobile.
Des projets sont en cours pour retravailler l’image et la devanture mais aujourd’hui, on passe devant presque sans s’en apercevoir, sans réaliser qu’une part de l’avenir du vélo électrique se joue peut-être dans ce bâtiment. D’autant que l’accès se fait par l’arrière, dans une petite rue parallèle et via une simple porte de garage peinte avec le logo de la marque.
Dans la rue, on ne prend pas réellement la mesure des lieux mais à l’intérieur, c’est autre chose. Un peu moins de 50 personnes travaillent pour Forestal en Andorre alors que 8 niveaux de 1000 m² chacun composent l’édifice. Il y a de la place ! Seulement 6 de ces niveaux sont utilisés aujourd’hui mais le plan est bien de tous les exploiter d’ici quelques années, car la marque vise un maximum d’autonomie et compte produire ses cadres carbone en Andorre.
Cela, ce sont Damien Nosella et Mickaël Walch qui nous l’expliquent. Tous deux anciens de Production Privée, la petite marque qui s’est fait connaître pour ses belles réalisations en acier, ils ont rejoint Forestal au lancement du projet et s’occupent de la conception des vélos pour les deux marques, désormais sœurs.
D’ailleurs, Production Privée va évoluer dans les années à venir : sans dire adieu aux petites productions en acier, elle va se tourner de plus en plus vers les projets de recherche et développement, pour défricher de nouvelles manières de construire un vélo en jouant avec les matériaux.
C’est dans cet esprit qu’est né le vélo de descente en aluminium présenté en début d’année mais les choses iront encore plus loin sous peu. On a pu en avoir un petit aperçu et sans trop vous en dévoiler, on peut tout de même vous dire que les prochains modèles de la marque seront (très) intéressants…
Fait maison
Retour au carbone et à Forestal. Pour produire des cadres en carbone en Andorre et malgré tout se montrer (relativement) compétitif face aux autres marques, Forestal mise sur un autre procédé de fabrication (ci-dessus, les diverses machines de test des cadres), où un thermoplastique doit remplacer l’habituelle résine époxy.
Avantage, l’automatisation puisqu’à terme, lorsque tout sera mis en place dans le bâtiment d’Andorre-la-Vieille, la marque table sur une production de 8 000 cadres par an avec seulement 8 personnes pour s’en occuper (sans parler de la peinture ou de l’assemblage, faits par d’autres personnes à d’autres étages).
8 000 vélos par an, ce n’est pas énorme face aux autres marques mais Forestal ne souhaite pas s’engager sur ce terrain comme nous l’explique Rafael Gil-Perez, le brand manager de Forestal. Un homme expérimenté et fin connaisseur du milieu, déjà passé par plusieurs grandes marques de vélo avant de se lancer dans ce nouveau défi.
« Nous ne visons pas la grosse production » développe-t-il, « nous avons une exclusivité à maintenir. C’est comme comparer Lamborghini à Porsche, les deux font du haut de gamme mais Porsche est devenu presque courant aujourd’hui donc cela fait moins rêver que Lamborghini. »
Pour l’instant toutefois, Forestal n’en est pas encore là et l’étage qui sera dévolu à cette production est aujourd’hui utilisé pour les bureaux, les tests ou encore les labos de recherche et développement. Nous passons notamment par la salle dédiée à l’électronique, où est conçu le cœur de l’assistance Forestal.
Baptisé EonDrive, le moteur est co-développé avec Bafang pour la partie transmission mais toute l’électronique a été imaginée et développée par Forestal en Andorre. Vu les outils qui traînent dans la pièce, on imagine que tout n’a pas toujours été facile…
L’électronique, c’est un des éléments-clé des vélos Forestal. En effet, contrairement aux autres e-bikes du marché, l’unité centrale intègre ici une carte SIM, qui permet à la marque de communiquer à distance avec les vélos. Damien fait le parallèle avec les Tesla : on utilise le vélo normalement mais lorsqu’il est rangé dans le garage, il se met à jour automatiquement suivant les dernières données envoyées par l’usine.
Bien sûr, Forestal veut faire des vélos performants mais la marque a aussi pour objectif, surtout même, d’amener l’expérience utilisateur à un niveau encore jamais atteint dans le monde du vélo.
« VTT à pédalage assisté »
Pour en discuter, on retourne voir Rafael. Aux prémices du projet, c’est entre autres lui qui a insisté auprès de l’investisseur à l’origine de l’histoire pour que Forestal s’implique dès le début dans l’e-bike.
« Je me sens forcé d’utiliser le terme e-bike pour parler de nos vélos ». Rafael Gil-Perez, Brand Manager de Forestal
En effet, nous explique-t-il, « être une marque e-bike « native », c’est très fort pour l’image et la crédibilité sur le long terme ». Auprès de clients peu familiers du marché du vélo, une marque qui a toujours fait de l’assistance peut apparaître plus fiable, plus performante qu’une marque qui est arrivée sur le segment « sur le tard », ou qui fait cohabiter les deux gammes.
D’ailleurs, on parle d’e-bike mais ce terme n’est pas vraiment au goût de Rafael pour désigner les Forestal : « Je préfère qu’on parle de VTT à pédalage assisté [« pedal assisted MTB » en anglais] plutôt que d’e-bike, ça décrit mieux nos vélos. Nos machines offrent des sensations plus proches d’un VTT classique que d’un gros e-bike. Je me sens forcé par le marché d’utiliser le terme e-bike pour parler de nos vélos mais ce n’est pas celui qui convient le mieux. » Intéressant.
Il divise les pratiquants en deux familles : celles et ceux qui cherchent un vélo avec assistance d’un côté ou la puissance et l’autonomie de l’autre. Pour lui, les premiers sont proches de l’activité VTT en elle-même tandis qu’il « ne sait pas comment cataloguer [les seconds] mais ce n’est pas du VTT au sens classique du terme ». On comprend vite lesquels vise Forestal…
Selon lui, « les gens n’achètent plus des vélos ou des composants aujourd’hui, ils achètent des marques ou des expériences ». Pour Rafael, l’image et l’identité de la marque sont ainsi les premières questions à se poser au début d’un projet, avant même de parler produit ou cible visée. C’est la condition de base pour assurer le futur de la marque.
« On doit utiliser un langage que nos clients peuvent comprendre »
Il faut donc « penser au client dans sa vie de tous les jours, pas seulement sur le vélo » pour concevoir ladite expérience. De même, le choix du langage utilisé est important : « Même si nous sommes une marque high-tech, on doit utiliser un langage que nos clients peuvent comprendre. » Pour illustrer son propos, il prend l’exemple d’Apple et de la sortie de l’Iphone 11 avec ses 3 objectifs pour l’appareil photo. Pas d’infos techniques pointues peu claires et qui ne restent pas dans les esprits mais une phrase simple et qui parle à tout le monde : « Désormais, vous ne raterez plus jamais une photo. »
Avec ces éléments, on comprend aussi mieux la notion de marque « e-bike native ». C’est encore dans cette optique qu’a été fait le choix de développer son propre système d’assistance : « On est la seule marque avec cette assistance, donc on est complètement différent des autres. En termes de valeur ajoutée, c’est énorme. Choisir Bosch, cela aurait bien sûr été plus facile mais aujourd’hui, les marques qui font cela perdent leur identité (à quelques exceptions près). »
« Les gens qui achètent un vélo électrique n’achètent plus une marque de vélo, ils achètent un moteur. Le concepteur du cadre, du châssis, n’existe plus. » Pas sûr que tout le monde soit d’accord avec ça dans le milieu mais il faut reconnaître une certaine part de vérité dans ce constat, les magasins pourront en témoigner. Ce mode de réflexion bien particulier est propre au monde du vélo puisque comme il le souligne, « regardez le monde de la moto : cela n’a rien à voir, chaque marque a son moteur et joue là-dessus ».
Des ambitions élevées
Sur le papier, cela peut sembler fou de se dresser ainsi face aux mastodontes du marché mais sur le terrain, cela fonctionne (très) bien comme nous avons pu le constater. Heureusement d’ailleurs, car les ambitions de la marque sont élevées. Nouvel exemple, nouvelle marque connue de tous avec cette fois un parallèle surprenant mais très efficace avec Tipex.
Il faudrait parler d’un correcteur mais beaucoup d’entre nous désignent ce petit outil comme un Tipex, peu importe sa véritable marque. Dans le vélo, cela fonctionne aussi avec Garmin vis-à-vis des compteurs de manière générale. Pour Rafael, « si Forestal accède au même stade un jour ce sera génial, on aura plus que réussi notre pari ».
Il faut dire que la marque se donne les moyens de ses ambitions : 4 cadres et 5 modèles présentés dès sa première année d’existence, un positionnement résolument haut de gamme, bientôt une production sur place… Voir si gros dès le début, cela peut surprendre mais selon Rafael, c’est la voie à suivre :« Si vous vous lancez dans un marché très compétitif, voir grand réduit les chances d’échouer. »
D’autant que Forestal a le temps de son côté : aucun objectif de rentabilité à court terme n’est fixé. « On doit penser à long terme » explique Rafael, qui ajoute qu’un retour sur investissement n’est attendu que dans les 7 à 8 ans à venir.
En attendant, la marque cultive son image et continue de travailler sur de nouveaux projets. Parmi eux, la synchronisation de l’assistance avec un cardiofréquencemètre, pour un mode « automatique » qui répondrait parfaitement à l’effort fourni par le ou la pilote… « Nous conserverons le design des vélos et le hardware (les composants physiques de l’assistance) pour au moins 3 ans sur chaque modèle, peut-être plus. »
« On préfère travailler sur les mises à jour du logiciel, cela nous permet de réellement proposer un nouveau produit en gardant le même cadre. » Forcément, c’est intéressant pour la marque qui n’a pas à ouvrir de nouveaux moules mais cela profite aussi aux pratiquants, qui gardent un vélo à la pointe sans avoir à changer quoi que ce soit.
Tout beau tout rose chez Forestal, vraiment ? Il faut reconnaître à la marque et à Rafael un certain talent pour voir les bons côtés des situations difficiles, jusqu’à la pandémie de Covid-19 : si cela a ralenti leur développement et retardé leur production comme partout ailleurs, cela leur a aussi permis d’avancer leurs développements pendant que le reste de l’industrie présentait moins de nouveautés, était « en pause ». Autre intérêt, plus indirect, l’engouement qui en a découlé pour le vélo de manière générale crée plus de clients potentiels pour Forestal, donc probablement de nouveaux clients à moyens terme.
« Les problèmes d’approvisionnement sur les composants vélo, c’est un jeu d’enfant par rapport aux semi-conducteurs. »
Néanmoins, la marque reste réaliste et confrontée à certaines contraintes. A ce sujet, Rafael évoque notamment le marché des semi-conducteurs : « Les problèmes d’approvisionnement sur les suspensions, les transmissions, c’est un jeu d’enfant par rapport à ce qui se passe avec les semi-conducteurs. Notre chance, d’une certaine façon, c’est qu’on ne commande que de petites quantités donc on est moins affectés que d’autres mais tout de même : pour certains composants, les prix sont passés de 5 $ à 130 $ ! »
Et ce n’est pas tout : « L’autre problème, c’est qu’il y a beaucoup de fournisseurs et pas de « marque » de composant, juste des références. Conséquence, il n’y a pas de qualité constante, moins de fiabilité, tout dépend du fournisseur. »
Une fiabilité aléatoire qui peut entraîner des problèmes sur les vélos pas toujours évidents à détecter avant que ce ne soit « trop tard ». Ainsi, Forestal doit actuellement faire face à des soucis d’écrans qui s’éteignent en pleine sortie, heureusement sans que cela n’affecte le reste du système (l’assistance reste allumée et tout fonctionne toujours).
Toutefois, la transparence est un autre pilier de l’image de la marque et Forestal ne cherche pas à cacher ce problème. Si un client en est victime, la marque offre ainsi de reprendre le vélo plutôt que de remplacer simplement la pièce défectueuse, si le client le souhaite et en attendant une solution définitive. Aujourd’hui, personne n’a encore choisi cette option.
Belle découverte que cette visite chez Forestal. Avant de venir, on ne savait pas trop à quoi s’attendre mais la marque a quand même réussi à nous surprendre. D’abord par le lieu, gigantesque pour si peu de personnes, à la fois entrepôt, laboratoire, usine et bureaux. Un véritable « éco-système » industriel comme aime le dire Damien Nosella, amené à se développer de manière significative dans les mois et années à venir. Ensuite par sa vision des choses, forte mais pleinement assumée. Toutefois, avec autant de personnes expérimentées à la barre, nous n’avons aucun doute sur le fait que Forestal sait où elle va.
Comme nous l’a glissé Rafael au cours de notre discussion, l’idée est de « faire quelque chose de nouveau mais pas avec des gens nouveaux ». La marque n’en est qu’au début de son histoire mais elle pourrait bien marquer rapidement et durablement le monde du vélo à assistance électrique. Reste à savoir ce que ses produits valent sur les sentiers et pour ça, on vous invite à passer à la page suivante !
Plus d’informations : forestal.com
Forestal Syrion Neon : le prince des montagnes
Après plusieurs heures à passer d’un étage à l’autre et à découvrir le fonctionnement de l’entreprise, il était temps d’aller voir sur le terrain ce que les vélos ont dans le ventre. Au programme, une boucle sur les hauteurs de La Massana avec le Syrion, le gros enduro de la gamme en 170 mm de débattement et roues de 29″. Alors, qu’est-ce que ça donne ?
Très réussi en photo, le Syrion l’est tout autant lorsqu’on l’a réellement sous les yeux. La peinture brillante, la jolie ligne rouge qui sépare le rose du blanc, le « puits » et toute la zone autour du tube de selle et du tube supérieur, la suspension arrière… La finition est superbe et donne une belle impression de fluidité, en particulier dans ces tons clairs.
Malgré ses 170 mm de débattement devant comme derrière, le Syrion bénéficie d’une géométrie plutôt équilibrée. Forestal n’a pas voulu en faire un monstre d’enduro, plutôt un jouet pour la montagne capable d’aller très vite en descente mais aussi de monter partout. L’environnement andorran et ses pentes raides n’y sont sûrement pas pour rien…
Sur notre vélo en taille M, on profite ainsi d’un angle de direction à 64°, d’un angle de selle à 77°, d’un reach à 458 mm, de bases à 436 mm et d’un boîtier de pédalier à 353 mm de haut. Des cotes dans la bonne tendance des vélos d’enduro mais encore une fois, rien d’exagéré. On note que les bases sont plus longues en L et XL qu’en S et M, une bonne chose pour conserver un certain équilibre sur la plateforme quelle que soit la taille.
Présenté ici en couleur Fire Opal, le modèle mis à notre disposition est un Syrion Neon, le deuxième montage le plus haut de gamme sur les 4 proposés. Le tarif est élevé, très élevé (10 499 € et cela peut monter encore plus haut avec une peinture personnalisée) mais l’équipement est à l’avenant : il n’y a rien qu’on voudrait remplacer sur le vélo.
Côté assistance, c’est bien sûr le moteur maison EonDrive (60 Nm de couple et 1,95 kg) qui équipe le vélo, couplé à la batterie Aurora 350 Wh (1,8 kg) et au « centre de commande » Smart Display (écran) / Smart Trigger (manette).
En couleur et tactile, l’écran Smart Display participe grandement à l’intérêt des vélos Forestal. Suffisamment grand pour être lisible, il fait office de GPS avec l’antenne intégré au cache du jeu de direction (carte OSM incluse, il n’y a qu’à charger la trace via l’application smartphone) et de compteur ultra-complet (autonomie, puissance, fréquence cardiaque, vitesse, cadence, dénivelé, temps passé en l’air, valeur maximale de G reçue…).
Fourche et amortisseur ont été choisis chez RockShox, avec une Lyrik Ultimate et un SuperDeluxe Ultimate. On est surpris de voir un châssis de Lyrik et non de Zeb sur ce débattement mais pas forcément déçu, au contraire. La Zeb est très rigide et si elle convient bien aux gros e-bikes de 23 kg ou plus, on la trouve souvent « trop grosse » sur des enduros, trop rigide pour la plus grande partie des pratiquants. Un peu plus souple, la Lyrik amènera pour la plupart un peu plus de tolérance et de confort.
On reste dans le groupe Sram pour la transmission avec du X01 Eagle mécanique, en cassette 10-50 et plateau de 32 dents (pédalier Praxis, manivelles 160 ou 165 mm).
En revanche, pas de Sram au niveau des freins ! Forestal a opté pour des Magura MT7, en levier HC 1 doigt, plaquettes Performance et disques Storm HC (203 mm devant, 180 mm derrière). La combinaison classique pour ces freins, polyvalente et passe-partout même s’il est possible de faire encore mieux selon nous (lire Test | Magura MT7 : 4 leviers, 3 paires de plaquettes et 2 disques sur le terrain).
Le train roulant est presque exotique, avec des roues Crankbrothers Synthesis Carbon E7 qui nous ont déjà agréablement surpris sur d’autres vélos et des pneus Panaracer Romero (AV) / Aliso (AR) en 2,4″ de section.
Enfin, en périphériques, on a une tige de selle Crankbrothers Highline 7, une selle Fizik Aidon X3 étudiée spécialement pour les VTTAE, un poste de pilotage Forestal de belle facture (cintre en 31,8 x 800 mm et potence en 45 mm) et les fameuses poignées Production Privée CR35, qui permettent d’ajuster encore les angles du cintre.
Sur la balance, le vélo est annoncé à 17,2 kg sans pédales dans notre taille M. Un joli score, très proche de certains enduros classiques en aluminium et qui promet de belles choses quant au comportement sur le terrain.
On notera enfin le soin apporté aux détails par Forestal, qui fournit également le liquide préventif pour les pneus, une vraie clé dynamométrique Lezyne et une housse pour ranger le vélo sans salir le sol autour. On nous parlait de service et d’expérience client lors de la visite, voilà qui vient appuyer ces dires. On peut faire sans ces éléments mais lorsqu’on met autant d’argent dans un vélo, c’est une attention bienvenue.
Le Forestal Syrion Neon sur le terrain
Suspensions et pneus réglés, tige de selle à la bonne hauteur, c’est parti pour une boucle au-dessus de La Massana en compagnie de Damien Nosella et Mickaël Walch. En guise de guide, on a la surprise de voir arriver Cédric Gracia ! Tout juste de retour d’une sortie, il prend à peine le temps de sauter de son Cyon (le 140/150 mm) à son Syrion avant de nous emmener sur « ses » trails.
On ne le sait pas forcément mais Cédric est bien plus qu’un ambassadeur pour Forestal : présent dès les débuts du projet, il a apporté à l’équipe toute son expérience aussi bien sur le domaine technique que sur la vision du marché et le côté plus business. Toutefois, l’homme est plutôt modeste en petit comité et c’est Rafael Gil-Perez qui nous confiera cela au retour de notre sortie.
Pour Cédric, Forestal c’est avant tout « la réalisation d’un rêve ! J’ai toujours voulu construire mon vélo, le dessiner de A à Z sauf que je ne sais pas le faire. Là je suis entouré des meilleures personnes dans l’industrie, ils savent faire, ils ont l’expérience et j’ai juste à les aider comme je peux. C’est une aventure incroyable. »
Notre sortie commence par un bout de route en montée avant de rejoindre les sentiers et très vite, on est marqué par la sensation d’assistance que procure le système Forestal. Malgré le petit moteur et la petite batterie, on monte comme avec un gros e-bike ! Rien à voir avec le Specialized Kenevo SL par exemple (lire notre prise en main), son seul concurrent sur le papier, à l’assistance beaucoup plus discrète et qui oblige presque à forcer dans le raide.
Ici, le moteur pousse bien et comme la géométrie est à l’avenant, on s’amuse vraiment dans les montées. Plus c’est tordu mieux c’est ! Le Syrion ne cabre pas et grâce à son faible poids, il est facile de garder l’équilibre dans les sections raides et technique. Le couple de 60 Nm est largement suffisant pour ce vélo et on ne s’est jamais pris à rêver d’avoir un peu plus, même dans les sections les plus raides.
On peut en revanche regretter que le moteur se montre un peu bruyant. Même dans la catégorie des « gros moteurs », les Shimano EP8, Bosch Performance CX 4, Yamaha PW-X3 ou autre Brose Drive S Mag, certains font mieux et se montrent plus discrets.
C’est cependant le seul véritable reproche qu’on peut lui faire car l’ergonomie de la commande est tout à fait correcte. Bien que petits, les boutons sont en effet faciles à trouver. Ils manquent peut-être un peu de retour haptique (un « clic » sensible sous le doigt, pour s’assurer qu’on a bien changé de mode) mais c’est quelque chose auquel la marque réfléchit justement.
« Tu peux utiliser le mode Nitro mais pas plus de 5 minutes » Damien Nosella, Director of Engineering
Au sujet des modes, on en compte 4. Ou plutôt, 3+1. En effet, le dernier niveau, baptisé « Nitro » ne doit pas être utilisé, ou presque pas. Damien Nosella nous explique : « En fait, si tu passes trop de temps dessus, la chaleur que le moteur dégage à ce niveau va tout faire fondre à l’intérieur. Tu peux l’utiliser mais pas plus de 5 minutes. » Pourquoi l’avoir mis alors, si c’est si dangereux pour l’intégrité du système ? La réponse fuse : « Parce que c’est drôle ! C’est fun, ça pousse ! »
Nous avons évidemment essayé (la conscience professionnelle, vous savez ce que c’est) et effectivement, ça marche « plutôt » bien ! C’est le mode idéal pour passer une courte section très raide par exemple, avant de revenir en Race qui permet déjà de monter vite.
En descente, le Syrion nous rappelle cette fois beaucoup plus le Kenevo SL mais c’est une excellente chose. Il partage avec l’Américain cette capacité à nous faire oublier que c’est un e-bike. Ou presque, car il y aura toujours des situations dans lesquelles on pourra mettre ces vélos en défaut, mais on est tout de même bien plus proche d’un gros vélo classique que d’un e-bike de 24-25 kg (au mieux), tel qu’on les rencontre le plus souvent.
On peut même parler de vélo joueur, avec une nuance toutefois. En effet, le Forestal Syrion a besoin d’un peu d’aide pour décoller, il lui faut un appel quelque part mais c’est normal avec un centre de gravité plus bas que sur un vélo classique. En revanche, il est très facile à placer et on use, on abuse même de ce caractère pour agrandir tous les virages serrés, monter dans le talus pour ouvrir la trajectoire…
Damien nous parlait d’un gros travail réalisé autour de la rigidité du châssis, pour avoir un cadre capable de se déformer afin d’apporter du grip et à plusieurs reprises sur le terrain, on a très bien compris ce qu’il voulait dire. Sur le sol andorran ultra-sec et poussiéreux, on s’amuse à jouer avec la glisse de la roue arrière et tout se passe naturellement. Elle ne part pas tant qu’on ne l’a pas engagée et le grip revient quand on le souhaite.
Cette caractéristique amène aussi une belle tolérance. Même lorsqu’on se fait surprendre, le Syrion a des réactions progressives et ne déséquilibre pas son pilote, le cadre absorbe ce qu’il faut d’énergie.
La stabilité à haute vitesse semble être un peu moins son domaine. Attention, le vélo tient encore bien sa ligne et ne remue pas dans tous les sens, mais on n’a pas la sensation d’être « collé » au sol à tout absorber sans sourciller comme le font certains gros e-bikes ou gros enduros. Le Syrion demande un peu plus de concentration mais le bon côté de la chose, c’est que ça renforce les sensations et surtout, cela rend le vélo plus polyvalent pour les sentiers un peu plus lents et flow.
Rappelons aussi que nous ne sommes que sur une courte découverte, et qu’il est peut-être possible de changer un peu ce comportement en passant plus de temps sur les réglages de suspension. L’Hydra (ci-dessus aux mains de Cédric Gracia), le gros vélo de Forestal avec fourche en double-té de 180 mm de débattement, est ainsi basé sur le même cadre que le Syrion.
On termine cette prise en main par un petit coup d’œil sur l’autonomie. Selon Damien et Mickaël, en gérant bien la batterie il est possible d’emmener un Syrion ou un Cyon sur des tours d’une quarantaine de kilomètres pour 1400 à 1500 m de dénivelé. C’est honnête mais cela ne bat pas des records, aussi bien face aux « gros » e-bikes que face aux modèles à l’assistance plus légère. Toutefois, c’est assumé : priorité aux sensations de pilotage. Pour faire plus, il faudrait alourdir le vélo ou réduire l’assistance et ce n’est pas ce que souhaite la marque.
Sur le retour après cette visite et cette découverte, on ne peut se défaire d’un sentiment de privilège, celui d’avoir enfin pu essayer un Forestal. Cachée au cœur de l’Andorre, encore discrète face au public, la marque a créé autour d’elle consciemment ou non une certaine aura de mystère qui n’est pas évidente à franchir, même si les personnes derrière le projet sont pleines de bonne volonté. Le concept est alléchant sur le papier, les attentes étaient hautes mais le Syrion a su y répondre sur le terrain.
Alors oui, quelques point peuvent encore être améliorés comme le bruit ou la commande, oui ce n’est pas pour tout le monde avec cette autonomie correcte mais pas monstrueuse. En attendant, le Forestal Syrion délivre des sensations de pilotage comme bien peu d’e-bikes en sont capables et de ce point de vue uniquement, il peut séduire presque tout le monde. Si on ajoute à ça les intéressantes fonctionnalités de « vélo connecté », cela commence à faire beaucoup d’atouts… Aujourd’hui, il est encore difficile de prévoir où seront le segment de l’e-bike et le marché du VTT en général dans 5 ans mais une chose est sûre, on aimerait bien que ce Forestal préfigure une partie de ce futur.
Plus d’informations : forestal.com
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