Worlds 2022 ⎜ DH Hommes : retour sur une journée historique
Par Adrien Protano -
Du jamais vu ! Sportivement, émotionnellement, la finale de la DH sur ces championnats du monde aux Gets a dépassé toutes les attentes. Devant une foule énorme, exceptionnelle, tant dans la masse que dans l’énergie, les pilotes français ont signé un triplé historique ce samedi. Retour sur une après-midi unique :
Aaron Gwin, Dylan Levesque (ici à l’image), Mark Wallace, Dakotah Norton, Charlie Hatton… Tous les suivants se cassent les dents sur le temps de Zwar.
4e des qualifications malgré une chute et vainqueur ici l’année dernière, Thibaut Dapréla était très attendu ce dimanche. Comme à son habitude, son run est très agressif mais cette fois, ça ne paye pas : Zwar reste plus rapide de plus de 3 secondes.
Bernard Kerr ne parvient pas non plus à améliorer le temps du Suédois puis vient le tour d’Angel Suarez (ici aux entraînements), le seul à se glisser au milieu des Français en qualifications. Le suspense ne durera pas longtemps : à la lutte avec Zwar sur le début de piste, il chute violemment dans un des bois. Visiblement touché, il mettra un long moment à se relever mais parviendra à rejoindre le bas de la piste par ses propres moyens.
Médaillé de bronze l’année dernière, Troy Brosnan ou Mr Consistent comme on l’appelle parfois au vu de sa régularité dans le top 5, est en train de revenir en forme après sa blessure en début de saison lors du championnat d’Australie ! Il se permet 1,5 secondes d’avance sur les deux premiers intermédiaires et maintiendra tous les intermédiaires au vert jusqu’en bas. Voilà un pilote qui pourrait bien rester jusqu’au bout dans le hot seat….
Laurie Greenland, malade toute la semaine, semble être dans une meilleure santé aujourd’hui. Avec son Santa Cruz à l’effigie de Flash McQueen, il se glisse à la deuxième place au terme d’une solide course.
L’année dernière, Greg Minnaar a montré qu’il ne fallait jamais l’oublier lorsqu’on parle d’un championnat du monde. Le Sud-Africain est capable de se dépasser comme bien peu pour une course d’un jour mais cette fois, ça ne suffira pas. Aux Gets, il ne peut faire mieux qu’une 7e place.
Il reste 5 pilotes qui doivent encore s’élancer, dont 4 Français. Premier de la file : Loic Bruni, quadruple champion du monde, et bien décidé malgré sa blessure au Mont-Sainte-Anne à faire rêver le public français présent en masse aux Gets.
Le regard est serein mais la concentration se lit sur son visage au départ et cet état d’esprit va payer : ça va vite, très vite et il allume l’un après l’autre tous les intermédiaires en vert. Plus de 4 secondes d’avance à l’arrivée pour SuperBruni ! Le niveau de décibels explose comme la foule en délire scande son nom sur la ligne pour célébrer ce qui s’apparente, déjà, à un run de victoire.
En revanche, c’est moins convaincant pour Benoît Coulanges, médaille d’argent l’année dernière. Vainqueur des qualifications en 3’26, il ne parvient pas à hausser suffisamment son rythme et termine à près de 5 secondes de Loïc Bruni, ce qui le conduit à la 10e place finale.
Autre Français à revenir de blessure après Loïc Bruni, Loris Vergier, champion du monde Junior en 2014 et 3ème au général de la coupe du monde, s’élance à son tour sous le soleil des Alpes. « Effrayé » par la vitesse et « pas en confiance » par peur de tomber à nouveau en début de semaine, il parvient à surmonter ses doutes devant un public déchaîné et vient déloger Troy Brosnan de la 2e place. Les Français sont maintenant 1 et 2 !
A l’arrivée, il est serein : « je suis totalement satisfait de cette place, je pouvais pas faire mieux. j’aurais préféré gagner mais j’ai pas pu. J’ai fait de mon mieux et on est content comme ça. Et de partager ça avec les autres en France… C’est n’importe quoi ! »
Un seul homme peut encore tout changer et il est en pleine confiance puisqu’il vient de décrocher sa première victoire en coupe du monde au Mont-Sainte-Anne, il y a 3 semaines. Le passage de Finn Iles est redouté par tout le public et on sait qu’il peut très rapide sur cette piste : il avait terminé 6e des qualifications malgré une chute.
On attend, on attend, on attend encore… mais le temps du Canadien ne s’affiche toujours pas sur l’arche d’arrivée. Quelques minutes plus tard, surprise ! L’écran saute directement à Amaury Pierron. Finn Iles n’a pas pris le départ ! Laurent Delorme, le team manager de l’équipe Specialized Gravity, nous expliquera plus tard qu’Iles a chuté le matin à l’entraînement et a atterri le visage en premier, ou presque.
Pas de commotion heureusement d’après les premiers diagnostics mais décision a été prise de ne pas le faire courir l’après-midi pour le préserver. Il est en effet le seul à pouvoir encore voler le classement général de la coupe du monde à Amaury Pierron, la semaine prochaine à Val di Sole.
Répétition générale de la marseillaise ! C’est désormais certain, le champion du monde sera français ! Mais plutôt Amaury Pierron ou SuperBruni ?
Leader au général de la coupe du monde, Amaury Pierron est le dernier à s’élancer. Les écarts sont serrés mais au fil de la piste, un léger avantage semble se creuser pour Bruni. Le pilote Commencal ne traîne pas et tout le monde retient son souffle… L’après-midi est déjà exceptionnelle mais il peut en faire un jour historique. Que dira le chrono en bas de la piste ?
Rouge ! Amaury Pierron échoue à un peu plus de 2,5 s de Loïc Bruni et prend la deuxième place, entre Bruni et Loris Vergier. Pour lui, la déception est immense mais c’est un triplé français !
Un public en feu, une ambiance folle et SuperBruni champion du monde, les larmes aux yeux ! Pouvait-on rêver mieux pour ces championnats du monde aux Gets ? Une journée qui restera gravée dans la mémoire de nombreux passionnés de vélo, français ou pas !
C’est le 5ème maillot arc-en-ciel chez les Elites pour Loïc Bruni (le 6e au total), qui se rapproche un peu plus encore de la légende Nicolas Vouilloz, et ses 7 titres de champions du monde Elites (10 au total).
L’ambiance en bas de la piste et dans le village est indescriptible. La raquette d’arrivée est envahie en quelques instants et la foule se déchaîne. Jamais, dans l’histoire du VTT de descente, une nation n’avait réalisé le triplé ! Alors à domicile…
Vainqueur ici en 2004, Fabien Barel se joint lui aussi à la fête et tombe dans les bras des héros du jour. Impossible d’espérer meilleur héritage !
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Filez page suivante pour découvrir les réactions, (presque) à chaud, de Loïc Bruni et Amaury Pierron !
Retrouvez tous nos articles à propos des championnats du monde 2022 ici : https://dev.vojomag.com/?s=worlds+2022
Loïc : « Tout le monde a pété une durite en bas »
Comment s’est passé ton run ?
Loïc : Je savais en qualif que le 2e inter était crucial parce qu’il fallait en mettre à foison. Ça tenait quasiment partout donc j’ai bien roulé franchement, vite. J’avais du mal à me jauger cette semaine parce que j’avais pas beaucoup roulé récemment et je sentais que ça roulait bien, j’ai vraiment kiffé, les gens au bord m’ont vraiment aidé à lâcher les freins. Jusqu’en bas c’est passé, j’ai cru que j’avais crevé sur le plat, ça twistait un peu en bas et je me suis dit « naaan, les sauts » mais c’est bien passé.
J’ai fait le dernier virage et j’ai passé la ligne et j’ai vu que le temps était quand même solide donc j’ai eu plein de pensées : déjà, trop content d’avoir posé un bon run puis peut-être que c’est assez, peut-être que c’est pas assez pour gagner. J’étais au milieu de la folie quoi, dans ma tête c’était un peu le bordel mais après l’attente était terrible.
On t’a vu discuter avec Amaury il y a quelques minutes, qu’est-ce que tu lui as dit ?
Loïc : Je lui ai dit qu’il avait déjà mangé beaucoup le gâteau et qu’il fallait qu’il en laisse un peu pour les autres mais que son temps allait venir aux championnats du monde et que c’est un super adversaire et qu’il a super bien roulé. Le nombre de fois où il m’a fait faire 2e… c’est la course quoi. Mais je pense que ça lui tenait vraiment à cœur, à chaque Français qui a mis les roues sur cette piste cette semaine c’était un rêve. J’ai la chance d’être celui pour qui c’est devenu réalité donc incroyable mais on est quand même 1-2-3 donc c’est historique, préparez les cordes vocales ça va chanter !
Est-ce que c’est le plus fort de tes titres ?
Loïc : Oui, clairement. Je reviens de loin en plus cette année, je commence bien, je me blesse, je reviens ça va mieux, je me reblesse… Pas du tout la saison espérée malgré un hiver super productif. Jusqu’à présent rien n’allait comme je l’aurais espéré, jusqu’à aujourd’hui donc c’est au moment parfait. La semaine a été construite tout doucement mais intelligemment avec l’équipe. Jusqu’au dernier moment ils m’ont envoyé des petites piques en me faisant douter mais le meilleur run du week-end c’était celui-là donc parfait.
C’est ça qui est cool avec ce sport, c’est qu’on est tous adversaires mais c’est pas direct. On sait que c’est dur, que ça pèse, que ça fait mal et on est tous dans la même barque tu vois, c’est magnifique. Amaury qui fait 2, je sais ce que ça fait et il sait ce que ça fait de gagner donc on partage tout.
Tu enlèves le maillot de champion du monde à Greg Minnaar, qu’est-ce que ça fait ?
Loïc : En vrai quand j’étais au start je me suis dit « j’espère qu’il va pas nous faire un run de malade encore » parce qu’il est incroyable. Après, quand même, on est plus jeune que lui, on devrait arriver à le battre ! Mais c’est un super adversaire, incroyablement bon à se transformer le jour J mais aujourd’hui il y avait meilleur que lui et les fans nous ont portés, clairement. Depuis ce matin c’était incroyable, j’ai pris le temps de faire des photos… J’ai essayé de vraiment m’imprégner parce que c’est unique et même si ça m’a pris du temps, de l’énergie, j’ai kiffé et je regrette pas parce qu’ils me l’ont rendu sur la piste.
La folie à l’arrivée, l’escorte policière… C’est quelque chose !
Loïc : Oui, on se serait cru dans une manifestation. Les fans étaient refaits, je pense que 3 Français devant, ils ont eu une super journée, il n’a pas plu donc la course était équitable, la piste roulait vraiment vite, elle était parfaite…
Tout le monde a pété une durite en bas, toute la pression a explosé au moment où ça s’est fini et c’est trop beau à voir ! Nous on est là au milieu, on fait notre truc et les gens kiffent et ils nous font kiffer aussi. Je m’en rappellerai de l’escorte, les policiers ils étaient en pagaille, ils se faisaient piétiner… (rires)
Amaury : « Je passe la ligne et c’est rouge, y’a un vide en moi »
Tu peux nous parler un peu de ta semaine ?
Amaury : C’était un week-end compliqué, j’ai vraiment eu du mal à me mettre dedans, à trouver la vitesse, trouver les réglages du vélo. J’étais vraiment pas content de mes sensations après la qualif, du coup on a essayé vraiment de changer des grosses choses sur le vélo, on a changé toute la partie arrière, un nouvel amorto, vraiment des réglages différents… Et ça allait mieux, hier je commençais à prendre de la vitesse et aujourd’hui, ce matin, je me faisais vraiment plaisir donc j’étais vraiment content.
Le public était là en masse ce matin, quand je me suis réveillé j’ai regardé par la fenêtre de ma chambre et je voyais tous les gens qui montaient à pieds, ça ressemblait à un chemin de fourmis qui rejoint la fourmilière ! En voyant ça je me suis dit « woah, ça va être incroyable aujourd’hui ». Ça m’a mis dans un bon mood, je me suis régalé sur le vélo, c’est juste que c’était pas un run de victoire, pas assez d’engagement, les conditions étaient changeantes, c’était pas facile.
Pour gagner aujourd’hui fallait tout mettre, fallait pas de retenue, comme souvent d’ailleurs, mais malheureusement c’est pas facile à faire à chaque course des runs comme ça. Loïc est très fort pour faire ce genre de run aux championnats du monde, c’est son 5e titre. En coupe du monde aussi bien sûr mais en championnats du monde il arrive encore à monter son niveau et c’est très fort donc franchement chapeau.
En plus il sort de blessure, saison vraiment compliquée… Il était pas dans la même position que moi, il avait rien à perdre si je puis dire, il joue pas le classement général donc il était plus relâché et Loris pareil, franchement je suis super content pour lui. Il se blesse à la dernière course, il roule pas et il revient il fait podium, c’est génial. Je suis vraiment fier et content de partager ce podium avec ces deux mecs. C’est mes potes depuis quelques temps maintenant, j’étais fan d’eux avant ça, je suis devenu potes avec eux et maintenant je suis sur le podium des championnats du monde avec eux donc c’est quand même assez incroyable et je suis très content de ça.
Vous marquez l’histoire en plus.
Amaury : On marque l’histoire en plus de ça, 2e c’est vraiment pas ce que je voulais faire mais c’est incroyable, 3 Français sur les 3 marches du podium… Je suis vraiment [il insiste sur ce mot] content pour le public français, on les remercie de cette façon parce qu’ils ont été là toute la semaine et si on est là tous les trois sur ce podium c’est clairement grâce à eux donc franchement merci au public et j’ai hâte de chanter la marseillaise avec eux, ça va être incroyable.
Après la ligne, qu’est-ce qui se passe dans ta tête ?
Amaury : D’abord je passe la ligne et c’est rouge, y’a un vide en moi, il se passe rien, j’arrive même pas à avoir d’émotions. Je suis pas content, je pourrais être content d’être 2e, je suis pas triste sur le moment même si maintenant je le suis… Je vois que c’est Loïc qui gagne, sur le coup ça m’énerve (rires), je me dit « c’est pas possible, encore lui » mais après coup, voilà, il était meilleur aujourd’hui et il est juste trop fort donc bravo à lui.
Il sait qu’il me met les crocs là donc les années d’après je vais me battre, aller chercher ce maillot c’est clairement une chose que je veux réaliser dans ma vie. La foule qui débarque, qui envahit toute la raquette d’arrivée c’était incroyable, ça remonte un peu le moral même si c’était dur de sourire. Une fois encore, merci à ce public !
Ce triplé, ça peut faire un joli coup de pub pour le sport aussi ?
Amaury : Oui écoute, peut-être qu’un jour… Je sais pas, c’est compliqué, on n’est pas aux JO, pour nous c’est nos petits JO ça mais je ne sais pas si ça changera quelque chose pour nous. Peut-être que ça motivera plus de jeunes à rouler, peut-être que d’autres vont découvrir notre sport, j’espère qu’on va passer sur TF1 ou France 3 ! C’est ces grosses chaines qui peuvent nous permettre de se faire connaître et de faire évoluer notre sport. Malgré les victoires en coupe du monde on passe pas forcément sur des grosses chaînes TV donc là peut-être qu’on va y passer 3 secondes, ce serait cool ! Mais en tout cas si ça peut faire rêver des jeunes et leur donner envie de rouler, de progresser, c’est tout ce que je peux leur souhaiter.
3 pilotes sur le podium, 4 dans les 10… C’est quoi le secret de cette équipe de France ?
Amaury : Je sais pas, je pense qu’on est tous déterminés. On se connaît vraiment bien, on se voit l’hiver, on fait un peu de vélo, on fait de la moto ensemble… Sur les courses on partage beaucoup, on est très humain, il n’y a pas de mauvaise rivalité entre nous donc c’est génial, on est très soudés là-dessus. Le fait qu’on soit proches comme ça, on s’auto-motive tous ensemble. Forcément c’est dur, tu te bats contre des mecs qui sont vraiment incroyablement forts mais c’est ce qui nous rend plus forts aussi, j’imagine. C’est dur et cool à la fois.
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